Le Mossad, célèbre agence d'espionnage, s'est taillé une réputation internationale à partir des années '60. Avec des exploits qui semblent tout droit sortis d'un scénario de film, comme la capture du tristement célèbre Eichmann, le sauvetage héroïque des communautés juives du Yémen et d'Éthiopie, sans oublier les opérations d'élimination ciblée de scientifiques impliqués dans le programme nucléaire iranien. Même l'espionnage sur le sol américain n'a pas échappé à leur panoplie (pensez à l'affaire Jonathan Pollard). Et qui pourrait oublier cette épopée des masques durant la pandémie de Covid ? Israël, dans un tour de force orchestré par le Mossad et armé de valises remplies de dollars, a réussi à réquisitionner des cargaisons de masques directement sur le tarmac d'un aéroport asiatique.
Cependant, même les meilleurs ont leurs jours sans. C’est le cas de ce que l’ on appelle aujourd’hui l'affaire Lillehammer.
Opération « Colère de Dieu »
L'ouverture de ce récit tragique se situe lors du drame survenu aux Jeux Olympiques de Munich en 1972, où des athlètes israéliens furent sauvagement assassinés. En réaction, l'opération "Colère de Dieu", approuvée par Golda Meir et confiée aux agents du Mossad, avait pour mission de localiser et neutraliser les auteurs de cet acte odieux. Les agents du Mossad, avec une précision chirurgicale, ont mené des opérations clandestines pour éliminer ces terroristes, un par un.
C'est dans ce contexte que les services secrets israéliens reçoivent un tuyau : Ali Hassa Salameh, le cerveau derrière l'organisation « Septembre Noir » et architecte de la prise d'otages, serait caché en Norvège, précisément dans la paisible ville côtière de Lillehammer.
La bavure
Le Mossad orchestre alors une opération secrète pour, comme on dit dans le jargon, « neutraliser l’individu ». Imaginez la scène : 15 agents, chacun maître dans l'art du déguisement, convergent vers la paisible bourgade de Lillehammer. Ils louent discrètement une cachette et une voiture, effectuent des repérages dignes de professionnels. Puis, le jour J, tel un coup de théâtre, deux agents surgissent de leur véhicule, abattent la cible avec une précision chirurgicale (13 balles !!) et s'évanouissent dans la nature. La mission, rondement menée, est un succès.
Mais, le lendemain, le Mossad apprend par les journaux que ses agents ont abattu la mauvaise personne ! Ils ont tué un serveur d’origine marocaine dénommé Ahmed Bouchiki qui n’avait aucun lien avec l’organisation terroriste !
Dans une série d'erreurs dignes cette fois d'un film de comédie, deux agents israéliens se font prendre après avoir utilisé leur véritable identité pour louer une voiture, ce qui est à peu près aussi discret qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Interrogé par la police norvégienne, Dan Abrel, l'un des agents, révèle sans détour l'adresse de leur cachette. La police y trouve cinq autres agents, y compris la fameuse espionne Sylvia Rafael. Tous les sept sont jugés et reçoivent des peines de prison, mais grâce à une intervention diplomatique habile, ils sont libérés, sauf Sylvia Rafael qui passe deux ans derrière les barreaux.
Israël n'a jamais reconnu sa responsabilité dans l'assassinat erroné de Bouchiki, mais après une longue campagne judiciaire menée par sa famille, il a finalement accepté en 1996 de les indemniser pour sa mort. Le frère cadet d'Ahmed Bouchiki, Chico, est devenu membre fondateur du groupe de musique Gipsy Kings. Il est envoyé de l'UNESCO pour la paix et s'est produit en Israël.
La morale de cette histoire
Le vrai Salameh sera finalement assassiné au moyen d’une voiture piégée, à Beyrouth en 1979 par le Mossad. Et le dernier terroriste impliqué dans la mort des athlètes israéliens sera, lui, liquidé en 1990, plus de 18 ans après l’attaque.
Pour le Mossad, la vengeance est un plat qui se mange froid.