Connaissez-vous Baruch Mizrahi?

Suite à l’établissement de l’État d’Israël, aux mouvements de décolonisation et à la guerre de 1967, les Juifs du Maghreb et du Proche-Orient sont expulsés des pays arabes et émigrent massivement en Israël, emportant bien souvent avec eux, pour unique bagage, la culture de leur pays d’origine.

Une aubaine pour le Mossad, les redoutables et redoutés services secrets israéliens, qui en profite pour recturer des agents spéciaux. En effet, un agent parlant arabe sans accent, connaissant les coutumes locales et capable de se fondre dans la population est d’une efficacité redoutable.

Un agent oublié

Dans le monde très particulier des services secrets, le Mossad, a une aura particulière. L'Agence compte plusieurs victoires retentissantes à son actif, comme la capture d’Eichmann ou la traque des assassins des onze athlètes israéliens lors Jeux olympiques de Munich en 1972.

Certains de ses agents sont même devenus célèbres. L’histoire de l’agent secret Eli Cohen, qui a opéré en Syrie jusqu’au sommet de l’État avant d’être finalement arrêté, torturé et pendu à Damas en 1965, est bien connue.

Cependant, certains agents qui ont contribué à la réputation du Mossad restent totalement inconnus du grand public.

C’est le cas de Baruch Mizrahi, dont l’histoire, basée sur des documents secrets du Mossad, a été révélée par le journal Haaretz.

La fabuleuse histoire de Baruch Mizrahi

Cette histoire est incroyable car cet agent spécial semble avoir participé à toutes les grandes épopées de l’Agence dans les années 60/70.

Il a d’abord été envoyé en Syrie pour collecter des renseignements sur le régime et recruter des agents locaux (en même temps que le célèbre agent Eli Cohen, mais sans se connaître). Le Mossad l’a ensuite envoyé au Liban pour recueillir des informations sur l’organisation palestinienne Fatah. Arrêté à l’aéroport de Beyrouth et interrogé pendant 4 jours, il a finalement été relâché, faute de preuve.

Le Mossad a voulu le faire “oublier” des pays arabes et l’a envoyé pendant un certain temps en Amérique latine pour tenter de vérifier l’identité d’une personne que certains pensaient être le criminel nazi Heinrich Müller (l’un des 10 principaux nazis recherchés par le Mossad). Après une traque de plusieurs semaines, il a conclu que ce n’était pas la bonne personne.

On le retrouve finalement au Yémen pour suivre les dirigeants de l’OLP. Il réussit à prendre une photo d’Ali Hasan Salameh, l’un des responsables du massacre des athlètes israéliens aux Jeux olympiques de 1972. Grâce à cette photo et aux renseignements recueillis par Mizrahi, le Mossad a pu monter une opération pour tenter de l’éliminer (avec la fameuse “affaire Lillehammer” qui s’est soldée par la mort d’un innocent confondu avec la cible).

Sa capture

C’est lors de sa mission au Yémen que la vie de l’agent bascule. Il est arrêté pour des motifs peu clairs et soumis à un interrogatoire terrible. Selon les documents du Mossad révélés par le journal Haaretz, ses interrogateurs lui ont infligé des décharges électriques, l’ont battu et giflé, lui ont arraché les ongles, tout en cherchant à l’humilier. Il finit par craquer et révéler sa véritable identité, mais réussit néanmoins à ne pas révéler une partie de son histoire, notamment sa période syrienne.

Israël a estimé qu’il était trop dangereux d’envoyer un commando le chercher et a préféré attendre le bon moment. Grâce à Ashraf Marwan, conseiller du président égyptien Anwar Sadat. Marwan était un agent du Mossad, surnommé “Angel”, qui restera dans l’histoire pour avoir alerté sur l’attaque imminente égyptienne en 1973. L'agent secret est finalement transféré dy Yémen vers une prison égyptienne.

Et c’est après la guerre du Kippour que l’occasion de le ramener s’est présentée : le chef du Mossad de l’époque a écrit une lettre à Golda Meir pour lui demander de le faire libérer dans le cadre d’un échange de prisonniers et a même menacé de démissionner s’il n’était pas libéré.

Il a finalement été échangé et est rentré sain et sauf en Israël.

Le syndrome « Ron Arad »

Ron Arad, tout le monde le connaît en Israël. Des chansons et poèmes lui sont dédiés. Des dizaines de reportages et des films lui sont consacrés depuis 40 ans.

Il est le « fils » que toutes les familles israéliennes redoutent : le soldat retenu captif ou porté disparu au combat.

Son histoire

Son histoire est à la fois simple et tragique : en opération dans le ciel du Liban en 1986, son avion subit un dommage technique. L’équipage arrive à s’éjecter et tombe en territoire ennemi. Le pilote est récupéré au cours d’une opération de sauvetage périlleuse mais Ron Arad, lui, est capturé par la milice libanaise Amal. Les ravisseurs demandent de l'échanger contre 200 prisonniers libanais et 450 palestiniens, ainsi que 3 millions de dollars. Le deal ne se fait pas. Certains estiment que c’est Itzhak Rabin, alors Ministre de la Défense, craignant le coût politique d’une nouvelle « affaire Jibril » qui aurait finalement refusé le deal.

La chance de le récupérer vivant est définitivement passée. On ne le reverra plus.

Un corps jamais retrouvé

Arad a envoyé trois lettres de captivité et deux photos de lui ont été publiées. Depuis lors c’est silence radio. Israël a perdu sa trace en 1988. Plusieurs opérations israéliennes ont été menées pour obtenir plus d'informations sur son sort, notamment la capture de membres du Hezbollah et une récompense de 10 millions de dollars.

Mais personne ne sait ce qu’il est advenu du navigateur. Un rapport officiel a déterminé en 2016 qu’Arad était probablement mort en 1988. Deux thèses circulent sur les causes probables du décès : la première est qu’il aurait été assassiné par la milice libanaise qui le détenait au sud-Liban. L’autre qu’il aurait été « vendu » et transféré en Iran où il est mort à la suite d’un accident.

Le syndrome Ron Arad: la fin du mythe

L’histoire du navigateur Ron Arad continue de hanter la société israélienne plus de 40 ans après sa disparition.

Un mythe persiste dans la société israélienne selon lequel le gouvernement se doit de tout faire pour ramener les soldats, vivants ou morts, en Israël. Et Ron Arad est celui qui vient remettre en question ce mythe puisque sa dépouille n’a jamais été rapatriée. Son retour demeure une cause nationale. En 2021, le Mossad a encore effectué une expédition périlleuse au sud-Liban pour collecter un échantillon ADN dans un cimetière local mais sans résultat.

Qui veut comprendre la psyché de la société israélienne doit connaître le « syndrome Ron Arad ». Les centaines d’Israéliens détenus à Gaza à la suite des massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023 viennent d’enterrer définitivement le mythe.

L’histoire de la ville de Tel-Aviv

Tel-Aviv est une ville assez récente. La date de sa fondation la plus communément admise est 1909, année de création d’un nouveau quartier juif moderne (Ahuzat Baït) dans les faubourgs de la ville de Jaffa. Elle a donc fêtée son centenaire il n’y a pas très longtemps.

Naissance de la ville

L’histoire de nombreuses villes se base sur des mythes fondateurs. A New-York, le récit de la fondation de la ville commence par le rachat pour quelques florins de l’île de Manhattan par des colons aux Indiens. A Tel-Aviv, ce premier moment fondateur est la création d’un tout nouveau quartier juif avec quelques rues en dehors de la ville de Jaffa en 1909 appelé Ahuzat Baït (le domaine de la maison).

Ce n’est cependant pas le premier quartier juif créé en dehors de Jaffa. Certains Juifs avaient déjà quitté le centre insalubre et surpeuplé de Jaffa pour s’installer dans les faubourgs de la ville et y créer des nouveaux quartiers au cours du 19ème siècle : Neve Zedek (1886), Neve Shalom (1890), Yefe Nof (1896), M’ahane Yéhouda (1903), M’ahane Yossef (1904) et Ohel Moshe (1905) et Kerem HaTeimanim (1906).

Le développement de la ville (1920 – 1990)

Le quartier Ahuzat Baït qui prend le nom de Tel-Aviv dispose d’un château d’eau (permettant l’eau courante dans les maisons) va très rapidement agglomérer d’autres quartiers naissants. Sous le mandat britannique (1918-1947), le développement de la ville est confiée à Geddes qui propose un projet inspiré des villes-jardins. De ce plan, on retiendra la multiplicité des espaces verts (parc Meir, etc. en tout une soixantaine), la création de de grandes artères (Dizengof, Rothschild, Ibn Gavriol, etc.) destinées au trafic qui traversent la ville entrecoupées de rues plus résidentielles. Les grandes artères sont reliées entre elles par la création de ronds-points (Kikar Atarim, Kikar Dizengof, Kika Bialik, Kikar Habima, Kikar Rabin) qui deviennent les points de repères de la ville.

Le style bauhaus…

Du Tel-Aviv d’antan on retient bien évidemment ses bâtiments de style Bauhaus peints en blanc (pour refléter le soleil) donnant à TLA le surnom de ville blanche. Entre 1930 et 1956 seront construits 4.000 bâtiments de style Bauhaus (création d’édifices rapides et fonctionnels) caractérisés par des toits plats, de petites fenêtres de style "thermomètre" qui filtrent la chaleur et de longs balcons ombragés permettant aux résidents de se rafraîchir. En vue de sa préservation, le centre ville regroupant ces immeubles sera inscrit au patrimoine de l'UNESCO en 2003.

Le Bauhaus Center organise des visites du quartier (+/- 2h) en plusieurs langues, dont le Français.

https://bauhaus-center.com/

…mais pas que

Avec les vagues d’immigrations vont arriver des architectes européens qui vont influencer fortement l’architecture de la ville. De petites maisons individuelles au départ, Tel-Aviv va voir la construction de ses bâtiments intégrer différents courants architecturaux en fonction des origines des immigrants et des architectes. Le style architectural de Tel-Aviv est donc beaucoup plus éclectique que l’on ne le pense. Des maisons comme celle de Bialik sont par exemple inspirées du style arabo-turc. Si vous passez au 8 de la rue Nahalat Binyamin, vous pourrez admirer un bâtiment magnifiquement restauré dans le style Art nouveau , avec des ornements décoratifs tels que des balcons en forme de menorah et un long palmier sculpté qui longe la façade. Et puis il y a le très célèbre et incroyable bâtiment "crazy house" (au n° 181 de la rue Hayrakon), véritable œuvre d'art, qui a suscité un véritable scandale lors de son inauguration en 1985

Internationalisation de la ville : 1990 à ce jour

Les accords d’Oslo (1992) seront le point de départ de l’internationalisation du pays et donc également de Tel-Aviv qui en est son épicentre économique et culturel. A partir de cette date, les échanges commerciaux avec l’extérieur vont s’intensifier et faire du pays une nation de premier plan.

La ville de Tel-Aviv bénéficie de cette ouverture et est aujourd’hui pleinement reconnue pour son côté multiculturel, libéral et ouvert sur le monde. Cela va se refléter dans son architecture. Dans les années quatre-vingts dix, la ville amorce un nouveau tournant : elle se densifie et prend de la hauteur (incarné par les tours Yoo de Philippe Stark). De nombreux quartiers sont réhabilités et les anciens bâtiments laissent placent à de grandes tours modernes de sorte que le centre historique se trouve aujourd’hui véritablement encerclé par une ville contemporaine.

Tel-Aviv et les mythes fondateurs de l’Etat hébreu

Ne cherchez pas le nom du premier quartier Ahuzat Baït sur une carte de la ville de Tel-Aviv car il n'existe plus. C’était le premier grand projet en dehors de la ville de Jaffa. Il est considéré comme l’acte fondateur de Tel-Aviv car il fait écho au mouvement sioniste dont il est une métaphore. L’histoire officielle de ce quartier est donc nécessairement remplie des mythes fondateurs de l’Etat hébreu.

L'achat de terrains

Tout commence en 1909 lorsque 66 familles juives décident de quitter la vielle ville de Jaffa insalubre et surpeuplée pour créer un nouveau quartier juif moderne dans les faubourgs de la ville. Un comité de quartier (présidé par Arieh Akiva Weiss) est créé et est chargé d’acheter avec des fonds privés les terres sablonneuses appartenant aux bédouins. C’est la genèse de la ville : les Juifs sortent de Jaffa (où les propriétaires sont majoritairement arabes) pour créer une nouvelle vie juive en dehors de la ville. C’est la première ville hébraïque des temps modernes.

Cet acte fondateur a été immortalisée par une photo devenue iconique.

C’est la première référence métaphorique au projet sioniste : les Juifs s’installent par l’acquisition légale de terrain sur un terre vierge. La photo iconique fait également partie du mythe : on y voit des dunes de sables.C'est l'idée "du peuple sans terre pour une terre sans peuple".

Il faut juste se rappeler que les fonds privés ayant permis d’acquérir les terrains ont été obtenus avec le soutien des institutions sionistes (KKL) et que le quartier s’insère en réalité dans un tissu de quartiers préexistants (comme Neve Zedek ou Kerem HaTaimanin).

Le choix du nom du quartier

Le quartier s’appelait au départ (1909) Ahuzat Baït. Mais il a très vite (un an plus tard) été rebaptisé Tel-Aviv (sur proposition du leader sioniste Nahum Sokolov) en référence au roman utopique de T. Herzl « Altneuland » qui décrivait une société juive moderne, créative, éduquée, tolérante et progressiste.

Altneuland = (Alt) ancien - (Neu) nouveau - (land) pays

Tel-Aviv = Tel (monticule, colline renfermant des vestiges archéologiques) – Aviv (printemps, renouveau)

C’est la deuxième référence métaphorique au projet sioniste. La création de Tel-Aviv est en fait la métaphore de la création de l’Etat d’Israël.

Le tirage au sort

Le 11 avril 1909, un tirage au sort - avec des coquillages blancs sur lesquels sont inscrits le noms des familles et des coquillages gris sur lesquels les numéros des lotissement sont inscrits – est organisé pour répartir les lotissements.

C’est la troisième référence métaphorique au projet sioniste qui se veut un projet égalitaire. Il n’y a pas de différence de classe à l’intérieur de la nouvelle société juive. Riches comme pauvres sont logés à la même enseigne. On félicite Meir Dizengof (futur maire de la ville) d'avoir eu la chance d'obtenir son lotissement sur le boulevard Rothschild !

Un quartier moderne

Ce premier quartier se veut assez moderne (eau courante, jardin, etc.) et s’inspire de l’architecture des communautés allemandes chrétiennes Sarona et Walhalla présentes dans la région. Le projet est donc assez symétrique (une rue principale et des rues perpendiculaire)  et est composé de petites maisons individuelles à un ou deux étages maximum:

  • Le quartier se compose d’une grande artère principale, la rue Théodore Herzl (du nom du fondateur du projet sioniste) coupées perpendiculairement par des rues (dont la rue Rothschild, Lilenblum, Ahad Haam et Yehuda Halevi) avec des lotissement pour 66 familles juives. En 1912, il y avait 790 habitants.
  • Le quartier est borné au nord par le premier lycée hébraïque : Herzliya Gymnasium (ainsi nommé en l’honneur de Théodore Herzl- il est en effet le premier établissement de Palestine où l'enseignement est dispensé en hébreu) qui fût détruit en 1960 pour y laisser la place à la tour Shalom (premier gratte-ciel de Tel-Aviv) et au sud par la ligne de chemin de fer Jaffa - Jérusalem.

Ce quartier dénote totalement par rapport à l’agencement des anciens quartiers juifs que l’on trouvent dans les pays arabo-musulmans (mellah) ou en Europe (ghettos). C’est la quatrième référence métaphorique au projet sioniste. L’Israélien n’est plus un Juif ancien confiné dans un quartier insalubre de la ville en marge de la société mais un Juif nouveau et moderne qui prend son destin en main. Tel-Aviv est le premier quartier autonome de l’ère juive moderne. On n’est plus dans l’histoire des Juifs du ghetto. On entre dans la nouvelle histoire moderne des Juifs d’Israël.

Ce quartier comporte un château d’eau permettant l’eau courante dans les maisons. C’est la raison principale pour laquelle le quartier va prendre rapidement de l’importance car tous les quartiers qui vont se développer par la suite autour vont vouloir se raccorder à ce château d’eau et donc faire partie du quarter Ahuzat Baït.

Notre parcours dans le quartier

Lors de cette balade, vous passerez devant ce qui reste du premier cinéma Eden (ouvert en 1914 et laissé à l’abandon depuis 1975 !), du tout premier kioske de la ville (point de rencontre des premiers habitants), de la fontaine de l’artiste Nahum Gutman, du monument des fondateurs de Tel-Aviv (à la place de l’ancien château d’eau), du premier centre commercial avec un ascenseur (passage Pensak), de l’ancienne ambassade de l’URSS (restée célèbre car en partie dynamitée lors d’un attentat dans les années 50), de la synagogue sépharade Ohel Moed et de son dôme impressionnant, de la Shalom Tower (la première tour du pays qui est en réalité l’endroit où se dressait le premier lycée hébraïque d'Israël), du hall de l’indépendance (l’ancienne maison du maire Meir Dizengoff où fût proclamée la naissance de l’Etat d’Israël).

Vous terminerez la balade sur la place Albert 1er (en l’honneur du Roi des Belges) où se dresse le fameux bâtiment la Pagode. La preuve que la ville, contrairement à sa légende véhiculée sur internet, ne se limite pas à son architecture Bauhaus.

Découvrez ici le parcours complet.

Bon à savoir

La municipalité a décidé de créer un petit parcours pédestre (appelé sentier de l’indépendance) balisé par une marque jaune sur le sol. Tout au long du parcours (2 h), il y a des petits écriteaux. Au poste d’information du sentier, on peut se procurer la carte. Toutes les cartes et informations sont fournies gratuitement! Vous pouvez louer une tablette avec la version étendue de l'application Independence Trail et profiter d'une visite interactive et expérientielle accompagnée d'audio, d'extensions de connaissances, de vidéos et d'un selfie amusant à chaque station.

Adresse : Rothschild 11

 

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