L’héritage des films bourekas : un miroir de la société israélienne

Les films bourekas: des comédies populaires cultes des années 60/70

Les films bourekas sont un genre de comédies populaires qui ont marqué le cinéma israélien des années 1960 et 1970. Pour un public français, on pourrait les comparer à des classiques comme La Grande Vadrouille ou La 7e Compagnie : des films à succès qui, malgré leurs budgets modestes, ont su traverser les générations et devenir des œuvres cultes.

Ces films racontent le quotidien des Juifs originaires du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, souvent appelés Juifs mizrahis ou orientaux. Ils dépeignent leur vie en Israël, en mettant souvent en scène les tensions culturelles entre cette population et les Juifs ashkénazes, d'origine européenne. La particularité des films bourekas réside dans l'utilisation de stéréotypes. Les personnages mizrahis y sont souvent représentés de manière caricaturale : peu éduqués, avec une famille nombreuse, parlant l'hébreu avec un fort accent et parfois présentés comme paresseux. Ces clichés ont suscité de vives critiques, certains y voyant une forme de racisme. Cependant, il est important de noter que les personnages ashkénazes ne sont pas épargnés et sont eux aussi décrits de manière stéréotypée, souvent comme des intellectuels distants et froids.

les films bourekas: une succession de clichés

Cette approche stéréotypée fait des films bourekas un miroir de la société israélienne de l'époque et de ses conflits ethniques et de classes, le tout enveloppé dans une comédie populaire et accessible.

Ces films ont progressivement disparu des écrans à la fin des années 1970, à mesure que le cinéma israélien s'est tourné vers des sujets plus politiques et sociaux. Pourtant, leur importance historique est indéniable. Revoir ces œuvres aujourd'hui permet de saisir une facette de l'histoire israélienne souvent ignorée par la propagande de l'époque. Alors que le sionisme mettait en avant l'image d'un « nouveau Juif » idéal — patriote, travaillant la terre dans un kibboutz et incarnant des valeurs collectives — les films bourekas, malgré leurs clichés, brossaient un portrait bien différent. Ils mettaient en lumière la réalité des Juifs orientaux (mizrahis), souvent pauvres, peu éduqués et parqués dans des camps de transit.

Ces films ont donc eu le mérite, même de manière caricaturale, de révéler le profond clivage ethnique et social qui existait entre l'élite ashkénaze, éduquée et au pouvoir, et une population orientale marginalisée. Il est d'ailleurs révélateur que de nombreux films bourekas aient été réalisés ...par des ashkénazes, ce qui souligne le regard parfois condescendant et le mépris de classe qui imprégnait la société de l'époque.

L'incroyable succès de Sallah Shabati

L'histoire du premier film bourekas, Sallah Shabati, est une anecdote fascinante à elle seule. Lors de son avant-première, le film a été accueilli avec dédain par l'élite israélienne qui a jugé la qualité déplorable. L'événement a été perçu comme un échec total.

Pourtant, personne ne s'attendait à l'immense succès populaire qui allait suivre. En l'espace de quelques mois, 1,2 million d'Israéliens se sont précipités dans les salles pour voir le film. À une époque où le pays ne comptait que 2,5 millions d'habitants, cela témoigne de l'ampleur sans précédent du phénomène.

Ce succès a propulsé le film sur la scène internationale : Sallah Shabati a remporté le Golden Globe et a été nominé pour l'Oscar du meilleur film étranger.

Ironie de l'histoire, le rôle de Sallah Shabati, un Juif marocain typique du genre, a été interprété par l'acteur ashkénaze Chaim Topol, plus tard mondialement connu pour son rôle de Tevye dans Un violon sur le toit. Ce choix de casting illustre à quel point la représentation des Juifs orientaux à l'écran était, dès le début, filtrée par le regard de l'élite culturelle ashkénaze.

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