En Israël, le café n’est pas qu’une boisson : c’est un art de vivre… et parfois un test ADN culturel.
Oubliez les cappuccinos et les américanos : ici, on parle du café « à l’israélienne » — le Nes, le Shachor, le Hafuch et, pour les puristes, le Meforah.
Et attention, ce n’est pas qu’une question de goût : c’est presque une carte d’identité. Les Ashkénazes, les Sépharades, les Mizrahim, les Arabes, les Orthodoxes… et bien sûr, les Tel-Aviviens branchés, chacun a son café fétiche.
Le café est un véritable révélateur social : dis-moi ce que tu bois, et je te dirai qui tu es !
Le café arabe
Tout commence avec le café local privilégié par la communauté arabe que l’on appelle aussi communément le café turc.
Sa préparation fait l’objet d’un véritable chorégraphie : on prend du café finement moulu, une dose de sucre, on met tout ça dans un finjan, on fait bouillir trois fois (oui, trois, pas deux, pas quatre), et on obtient un nectar corsé digne d’un poème.
Le café Botz
Le Botz (littéralement café boue) est la version israélienne du café turc et est très appréciée par les Juifs orientaux. Il s’agit d’une version minimaliste : on balance du café moulu et du sucre dans une tasse, on ajoute de l’eau bouillante, et basta ! Pas de finjan, pas de trois bouillons, pas de poésie. Résultat : un café express ultra fort…avec une belle couche de boue au fond de la tasse - le marc de café qui n’a pas été dissout- qui lui donne son nom.
En Israël, on aime le pratique, le direct, le sans chichi. Le café botz, c’est un peu comme le pays : brut, intense, sans filtre…
Le café Nes
Les Juifs ashkénazes qui se pensent toujours plus malin que les autres ont introduit une version occidentale du café botz : le café Nes !
Le nom exact est Nemess (qui veut dire miracle). Mais tout le monde l'appelle Nes.
Nes est l’abréviation de Nescafé et le terme générique pour désigner un café instantané. Le concept ? Simple : on verse le café lyophilisé dans de l’eau bouillante, on mélange, et hop, on obtient un café sans marc au fond de la tasse puisque tout s’est dissous.
Le café Hafuch
Alors que les Mizhahi, conservateurs, restaient bloqués sur leur fameux café botz, les Ashkénazes ont continué sur leur lancée avec un troisième type de café, apparu un peu plus tard, le café Hafuch, qui signifie « opposé » ou « renversé ». Il se situe entre un cappuccino et un latte: un expresso avec beaucoup de lait. Pour un cappuccino, on verse d’abord le café puis le lait. En Israël on fait l’inverse : on commence par le lait chaud, puis on ajoute l’espresso par-dessus, ce qui crée un effet inversé (d’où le nom).
L’arrivée de l’espresso
Pendant longtemps, seuls trois cafés, Botz, Nes et Hafuch ont coexistés en Israël. Bref, que du mauvais et sans aucun raffinement.
Mais avec l’ouverture internationale fin des années 80, les Israéliens ont repensé leur rapport au café et adopté une culture plus occidentale : espresso, macchiato, américano, cappuccino… il y en a pour tous les goûts. Si bien qu’aujourd’hui, le niveau moyen est élevé : baristas formés, cafés de spécialité, petits torréfacteurs qui créent des blends raffinés.
Les Telaviviens, eux, ne jurent plus que par des cappuccino shiboleth (au lait d'avoine), des cafés kar et des cafés meforah. Pour un savoir plus, lisez notre article: "l'art de boire un café à Tel-Aviv".
Mais malgré cette sophistication, il demeure une constante : dans chaque cuisine israélienne, trône toujours une petite boîte de café instantané. Parce qu’au fond, le Nes, c’est le goût de la nostalgie.
Le Nescafé Elite, c’est bien plus qu’un café : c’est un monument national. Sa boîte rouge trône dans toutes les cuisines, des kibboutzim aux tours high-tech. Cette poudre brunâtre ? Ce n’est pas juste du café, c’est l’odeur des matins pressés, des pauses à l’armée, des réunions de famille où la cuillère tourne dans un gobelet en plastique. Même aujourd’hui, à l’ère des baristas tatoués et des lattés à l’avoine, il reste là, fidèle, comme un vieux copain qu’on ne peut pas quitter. Parce qu’en Israël, on peut aimer le hafuch arty… mais on garde toujours un petit pot de Nes dans le placard. Par tradition. Par nostalgie. Et parce qu’au fond, ça sent un peu la maison.