Architecture : vous avez dit « Bauhaus »?

Les guides touristiques évoquent fréquemment le “bauhaus” lorsqu’ils abordent l’architecture de la ville de Tel-Aviv. Cependant, une observation attentive montre que la ville ne se limite pas à cette seule désignation de “ville blanche”.

Le tout premier quartier de la ville

Le tout premier quartier, Ahuzat Bayit, se veut assez moderne (eau courante, jardin, etc.) avec un projet assez symétrique.

Il se compose d’une grande artère principale, la rue Herzl (du nom du fondateur du projet sioniste) coupées perpendiculairement par 10 rues (dont la rue Rothschild, Lilenblum, Ahad Haam et Yehuda Halevi) avec des lotissements pour 66 familles juives. Les maisons doivent être individuelles, de max. 2 étages et comporter un jardin. C'est la première preuve que Tel-Aviv ne se limite pas au style Bauhaus. On y trouve également le Gymnasium Herzliya, premier lycée hébraïque de Palestine – nommé en l'honneur de Theodor Herzl. C'est là que l'enseignement fut dispensé pour la première fois entièrement en hébreu. Malheureusement, ce bâtiment emblématique fut démoli en 1960 pour faire place à la Tour Shalom Meir, le premier gratte-ciel de Tel-Aviv. Son style architectural était résolument éclectique, mêlant harmonieusement des influences européennes et moyen-orientales. Il n'avait rien en commun non plus avec le style Bauhaus, si souvent mis en avant par les guides touristiques pour qualifier l'architecture de Tel-Aviv.

En 1912, il y avait 790 habitants dans ce quartier.

Le développement de la ville (1920 – 1990)

Le quartier Ahuzat Bayit qui prend le nom de Tel-Aviv dispose d’un château d’eau (permettant l’eau courante dans les maisons) va très rapidement agglomérer d’autres quartiers naissants.

Sous le mandat britannique (1918-1947), le développement de la ville est confiée à Geddes qui propose un projet inspiré des villes-jardins. De ce plan, on retiendra la multiplicité des espaces verts (parc Meir, etc. en tout une soixantaine), la création de de grandes artères (Dizengof, Rothschild, Ibn Gavriol, etc.) destinées au trafic qui traversent la ville entrecoupées de rues plus résidentielles. Les grandes artères sont reliées entre elles par la création de ronds-points (Kikar Atarim, Kikar Dizengof, Kika Bialik, Kikar Habima, Kikar Rabin) qui deviennent les points de repères de la ville.

C'est de cette époque que datent les premiers immeubles sur pilotis si caractéristiques de la ville de Tel-Aviv. L'idée géniale était de construire des immeubles où le rez-de-chaussée serait un jardin. L'objectif était de verdir la ville tout en faisant circuler l'air à travers les bâtiments et ainsi baisser la températue générale. Pour nous, ce sont ces immeubles typiques qui représentent si bien Tel-Aviv, bien plus que les immeubles bauhaus.

Plan Geddes

Immeuble sur pilotis

Le style bauhaus…

Du Tel-Aviv d’antan on retient bien évidemment ses bâtiments de style Bauhaus peints en blanc (pour refléter le soleil) donnant à Tel-Aviv le surnom de ville blanche. Entre 1930 et 1956 seront construits 4.000 bâtiments de style Bauhaus (création d’édifices rapides et fonctionnels) caractérisés par des toits plats, de petites fenêtres de style "thermomètre" qui filtrent la chaleur et de longs balcons ombragés permettant aux résidents de se rafraîchir. En vue de sa préservation, le centre ville regroupant ces immeubles sera inscrit au patrimoine de l'UNESCO en 2003.

Le Bauhaus Center organise des visites du quartier (+/- 2h) en plusieurs langues, dont le Français.

…mais pas que

Avec les vagues d’immigrations vont arriver des architectes européens qui vont influencer fortement l’architecture de la ville. De petites maisons individuelles au départ, Tel-Aviv va voir la construction de ses bâtiments intégrer différents courants architecturaux en fonction des origines des immigrants et des architectes. Le style architectural de Tel-Aviv est donc beaucoup plus éclectique que l’on ne le pense. Des maisons comme celle de Bialik sont par exemple inspirées du style arabo-turc. Si vous passez au 8 de la rue Nahalat Binyamin, vous pourrez admirer un bâtiment magnifiquement restauré dans le style Art nouveau , avec des ornements décoratifs tels que des balcons en forme de menorah et un long palmier sculpté qui longe la façade. Et puis il y a le très célèbre et incroyable bâtiment "crazy house" (au n° 181 de la rue Hayrakon), véritable œuvre d'art, qui a suscité un véritable scandale lors de son inauguration en 1985

Internationalisation de la ville : 1990 à ce jour

Les accords d’Oslo (1992) seront le point de départ de l’internationalisation du pays et donc également de Tel-Aviv qui en est son épicentre économique et culturel. A partir de cette date, les échanges commerciaux avec l’extérieur vont s’intensifier et faire du pays une nation de premier plan.

La ville de Tel-Aviv bénéficie de cette ouverture et est aujourd’hui pleinement reconnue pour son côté multiculturel, libéral et ouvert sur le monde. Cela va se refléter dans son architecture. Dans les années quatre-vingts dix, la ville amorce un nouveau tournant : elle se densifie et prend de la hauteur (incarné par les tours Yoo de Philippe Stark). De nombreux quartiers sont réhabilités et les anciens bâtiments laissent placent à de grandes tours modernes de sorte que le centre historique se trouve aujourd’hui véritablement encerclé par une ville contemporaine.

Tel-Aviv: son patrimoine en péril !

Des anciens premiers quartiers historiques (construits entre 1887 et 1910) de Tel-Aviv, seuls les quartiers de Neve Zedek et du Kerem HaTeimanim ont été conservés. Il ne reste pas grand-chose des autres, y compris Ahuzat Bayit, qui ont presque totalement disparu avec le temps au gré du développement de la ville.

La ville s’est développée pendant très longtemps sans égard à la préservation de son patrimoine. Cet oubli mémoriel s’explique doublement. Premièrement parce que le patrimoine de Tel-Aviv était neuf, contrairement à celui de Jérusalem où chaque pierre raconte une histoire millénaire. Deuxièmement parce qu’il correspondait à l’état d’esprit qui prévalait à l’époque. Israël est un pays jeune. Le premier objectif de la ville était de construire vite (et mal) pour pouvoir accueillir les nouveaux arrivants et se développer rapidement.

Les Israéliens, pragmatiques, se soucient peu du patrimoine. L’exemple le plus édifiant est celui du tout premier lycée hébraïque de l’ère moderne, le Herzliya Gymnasium, construit au début du XXème siècle. Ce bâtiment historique a été rasé dans les années 60 pour y laisser place à un gratte-ciel (la tour Shalom) à l’esthétique plus que douteuse. Idem pour le bâtiment qui abraitait le quartier général de la Haganah (Arlozoroff Street 15) entièrement démoli.

Il aura fallu attendre le début des années quatre-vingts dix pour voir les Israéliens se retourner vers leur passé et se rendre compte de l’intérêt de préserver la mémoire de la ville. C’est dans ce nouvel état d’esprit que doit être comprise l’inscription en 2003 d’une partie du centre historique au patrimoine de l’UNESCO.

On trouve maintenant un peu partout des plaques commémoratives et des bâtiments historiques précieusement préservés. Certains le sont grâce à de curieux marchandages. Tel fût le cas par exemple d’un promoteur immobilier qui s’est engagé à rénover l’ancienne ambassade de l’Union Soviétique moyennant l’accord de la municipalité pour construire un gratte-ciel juste derrière !

Mais se balader dans ses lieux désormais disparus permet, pour celui qui s’y connaît, de trouver encore quelques pépites.

Histoire de Tel-Aviv : de la Ville Blanche à la start-up Nation

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Tel-Aviv est une ville assez récente. Elle a vu le jour en 1909, quand un groupe de 66 familles juives a fondé le quartier moderne d’Ahuzat Baït, en bordure de Jaffa. Donc inutile de chercher “Tel-Aviv” dans les récits de l’Antiquité : ce nom n’existait tout simplement pas ! La ville qui a traversé les siècles, c’est Jaffa. Port mythique, cité millénaire, elle a vu passer des civilisations entières bien avant que Tel-Aviv ne soit imaginée.

Tel-Aviv a changé de surnom plusieurs fois au fil de sa (jeune) histoire. D’abord appelée “ville nouvelle”, puis “ville blanche”, et aujourd’hui souvent décrite comme “la ville qui ne dort jamais”, chaque expression raconte quelque chose d’une époque, d’un état d’esprit, d’un moment particulier.

La "ville nouvelle"

L’histoire de nombreuses villes se base sur des mythes fondateurs.  A Tel-Aviv, ce premier moment fondateur est la création d’un tout nouveau quartier juif avec quelques rues en dehors de la ville de Jaffa en 1909 appelé Ahuzat Bayit. Ce quartier moderne qui prend le nom de Tel-Aviv un an plus tard va très vite se développer et finir par englober tous les quartiers environnants existants (juifs et arabes) afin d'accueillir l'afflux important de nouveaux immigrants arrivant principalement par voie maritime, ainsi que des membres de la communauté juive quittant la vieille ville de Jaffa à la suite des révoltes arabes survenues entre 1936 et 1939.

Cette appelation de "ville nouvelle", d'une ville moderne créée par des Juifs pour des Juifs fait ainsi écho au projet sioniste dont il est une métaphore.

La "ville blanche"

Dans les années 80, la municipalité commence à prendre en compte son histoire et décide de préserver son patrimoine. Une partie de la ville est inscrite au patrimoine de l’UNESCO. À cette période, la communication officielle change et la ville adopte le nom de ville blanche, en référence à l’architecture bauhaus de certains bâtiments du centre-ville.

La "ville qui ne dort jamais"

Au début des années 1990, Tel-Aviv connaît une expansion internationale significative. La ville s'impose alors comme un centre de l'innovation technologique et acquiert la réputation de « ville qui ne dort jamais » en raison de sa vie nocturne dynamique ainsi que de ses nombreux établissements ouverts jusqu’à tard dans la nuit. Cette image sera officiellement intégrée à la stratégie de communication de la municipalité de Tel-Aviv.

The Bubble

Les surnoms donnés à Tel-Aviv en disent long sur son histoire… et sur ceux qui les utilisent. “Ville nouvelle”, “ville blanche”, “ville qui ne dort jamais” : à chaque époque, son étiquette. Ces expressions ont toutes un sens, un contexte, une époque. Mais aujourd’hui, certaines sonnent un peu daté, d’autres un peu cliché.

Et puis, il y a ceux qui parlent de Tel-Aviv avec des mots qui sonnent juste. Pour nous, s’il n'en fallait en garder qu’un seul, ce serait sans hésiter : “The Bubble”. Véritable îlot libéral et cosmopolite, le regard tourné vers l’occident, Tel-Aviv contraste avec des villes plus conservatrices comme Jérusalem. Les Telaviviens vivent ainsi paisiblement dans leur bulle dans une région, le Moyen-Orient, pourtant réputée pour sa violence.

Tel-Aviv en 10 leçons

10 bonnes raisons de visiter Tel-Aviv

Tel-Aviv c'est:

  • Une ville tournée vers l'occident, progressiste et laïque, ce qui dénote assez dans la région.
  • Une ville de trentenaires, célibataires ou avec de jeunes enfants, assez cool. Les telaviviens se retrouvent quotidiennement sur les terrasses des cafés pour discuter et manger. Bref, ils prennent le temps de vivre et on se demande quand ils travaillent.
  • Une ville qui divise : certains la jugent très laide, d'autres, comme nous, en tombent amoureux.
  • Une ville de millionnaires. Le prix de l'immobilier n'a plus rien à envier à celui pratiqué à New-York, Londres ou Paris. Elle est aussi coûteuse pour ses habitants que pour les touristes. Comptez 10 EUR pour un café et un croissant. Pour ce prix-là vous aurez aussi droit à un seul malheureux sandwich.
  • Un centre historique de Tel-Aviv de taille relativement réduite, ce qui en facilite l'exploration à pied. Il peut être découvert de différentes façons : en s'intéressant à son histoire et à celle de l'État d'Israël, en parcourant ses parcs et jardins publics, ou encore en visitant ses quartiers historiques et ses marchés. Une ville petite par la taille mais grande par son influence. Avec à peine 400 000 habitants, Tel Aviv est une ville qui se retrouve constamment sous les projecteurs mondiaux, un paradoxe étonnant pour sa dimension.
  • Une ville où, pour les femmes, se promener en legging (tenue de yoga) est le stratagème parfait pour afficher une allure active, même si leur programme se limite au supermarché, à la promenade du chien ou à une discussion animée entre amis autour d'un café.
  • Le royaume pour la communauté LGBTQ+. La Pride annuelle est l'une des plus courues au monde.
  • Le paradis pour les végétariens, les végétaliens et même les fruitariens.
  • Une des villes au monde comportant le plus de chiens par habitant. Il y a plus de cent parcs dédiés aux chiens et même deux plages pour chiens.
  • Une ville qui vit dans sa bulle dans une région, le Moyen-0rient, pourtant réputée difficile et violente.

Si après cela, vous hésitez encore sur l'intérêt de la destination, on ne peut alors plus rien faire pour vous.

La ville rafle tous les prix

Ses habitants, jeunes et dynamiques, de même que la ville, ouverte 24/7, dégagent une énergie incroyable. Ce n'est pas pour rien que Tel-Aviv est classée dans le top 20 des plus belles destinations au monde (Forbes), dans le top 10 des villes côtières les plus agréables (National Geographic) et les plus festives (Lonely Planet), dans le top 3 des villes les plus innovantes (The Wall Street Journal), etc. Elle a également été élue "ville la plus heureuse du monde" (The Travel) notamment pour la communauté LGBTQ+. Mais la "consécration ultime" est venue en 2021: Tel-Aviv est devenue la ville la plus chère au monde devant Paris, New-York et Singapour (The Economist).
Chapeau !

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