La Campagne d’Egypte et de Syrie de Napoléon

Napoléon Bonaparte fait l'objet d'un véritable culte de la personnalité, en particulier en France. Plus de 80 000 ouvrages auraient été écrits sur sa vie mouvementée. L'une de ses expéditions les plus célèbres fut sa campagne d'Égypte et de Syrie en 1799.

Les buts de l'expédition

En 1798, le Directoire, le gouvernement français de l'époque, envoie le général Bonaparte en Égypte pour une mission ambitieuse. L'objectif principal est de perturber les routes commerciales britanniques vers l'Inde et d'affaiblir l'influence de l'Empire ottoman dans la région. Bonaparte débarque avec sa flotte et 54 000 soldats près d'Alexandrie. Au-delà de l'aspect militaire, cette campagne est aussi une expédition scientifique. Il est accompagné de nombreux savants. C'est durant cette période que la pierre de Rosette est découverte, une trouvaille cruciale qui permettra plus tard à l'égyptologue Jean-François Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes.

Les résultats de la campagne

Sur le plan militaire, les résultats sont mitigés. Bonaparte remporte la bataille des Pyramides en 1798, mais sa flotte est anéantie peu de temps après par l'amiral britannique Nelson lors de la bataille navale d'Aboukir (aussi appelée bataille du Nil). La perte de sa flotte l'empêche de renforcer ses troupes en Égypte avec de nouveaux soldats ou armes, ni d'importer de la nourriture. Cette défaite laisse l'armée française isolée en Égypte, l'obligeant à tenter une percée vers le Levant.

La campagne de Syrie

Face à l'isolement de son armée en Égypte, Napoléon décide de se lancer dans une campagne en Syrie, avec le général Kleber, espérant ouvrir une nouvelle route et consolider sa position.

  1. L'avancée en Palestine et la prise de Jaffa

En chemin, les troupes françaises conquièrent Gaza, Ashdod et Ramla, puis assiègent le port de Jaffa. Après deux jours de combats violents, la ville est prise. C'est à ce moment que Napoléon ordonne l'exécution de plusieurs milliers de prisonniers ottomans, un épisode qui marquera l'histoire de cette campagne.

  1. Le siège de Saint-Jean-d'Acre

Poursuivant sa route vers le nord, Napoléon entame le siège de Saint-Jean-d'Acre, espérant s'en emparer pour s'ouvrir la voie vers le Levant. Cependant, il rencontre une résistance inattendue de la part du souverain ottoman Ahmad al-Jazzar, soutenu par la marine britannique. La flotte britannique, menée par le capitaine Sidney Smith, parvient à intercepter les renforts et les canons français, affaiblissant considérablement l'armée de Napoléon.

Bon à savoir

Ahmad Pacha « al-Jazzar signifie « le boucher » – une référence aux nez, oreilles, yeux, mains et pieds qu'il avait arrachés aux chrétiens et à ses ennemis. Pendant le siège d'Acre, il a encouragé ses troupes à adopter des méthodes d'une grande cruauté. Les soldats d'Al-Jazzar décapitaient les soldats français blessés et tués, et accrochaient leurs têtes aux remparts de la ville. La légende veut même qu'Al-Jazzar, depuis le toit de sa citadelle, offrait une récompense pour chaque tête rapportée. En 1997, des fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour des squelettes décapités et les restes d'un uniforme français à 200 mètres des remparts. Ces découvertes suggèrent que les corps des soldats français morts au combat étaient sortis du champ de bataille pour être enterrés anonymement, confirmant en partie la brutalité des combats et des pratiques de l'époque.

L'échec de la campagne et le mythe du "Pestiférés de Jaffa"

Malgré plusieurs assauts, Napoléon échoue à prendre la ville. C'est un échec stratégique majeur. Affaiblie par la peste et le manque de vivres, l'armée française est forcée de battre en retraite vers l'Égypte, abandonnant de nombreux soldats. Des années plus tard, exilé sur l'île de Sainte-Hélène, dans l'Atlantique Sud, Napoléon confia à l'auteur de ses mémoires : « Si Acre était tombée entre mes mains, j'aurais changé la face du monde… Le destin de l'Orient s'est joué dans cette petite ville »;

De retour en France, Napoléon tentera de minimiser cet échec dans ses rapports. C'est ici qu'intervient le tableau "Les Pestiférés de Jaffa" d'Antoine-Jean Gros, une œuvre de propagande qui vise à redorer l'image de l'empereur en le présentant comme un chef compatissant, visitant les malades de la peste, et non comme un général en déroute.

Napoléon, le "sioniste" avant l'heure ?

Une légende tenace prétend que, lors du siège d'Acre en 1799, Napoléon avait pour projet de proclamer un État juif en Palestine ottomane. Son intention aurait été de publier cette annonce une fois Jérusalem conquise.

Cependant, il est essentiel de nuancer cette histoire avec deux faits majeurs :

  1. Napoléon n'est jamais entré dans Jérusalem. Il ne voulait pas que son expédition soit perçue comme une nouvelle croisade.
  2. De nombreux historiens contestent l'existence même d'une telle proclamation. Il n'y a pas de preuve concrète pour étayer cette affirmation.

Malgré ces démentis historiques, le mythe de son soutien à l'indépendance juive a persisté. Cette croyance a conduit certains à le considérer comme un "sioniste" avant la lettre, même si la plupart des spécialistes s'accordent à dire que cette intention n'était qu'une rumeur ou une légende.

Que retenir de cette expédition?

La campagne d’Egypte fût donc une écrasante défaite militaire mais un succès scientifique. Mais sa campagne au Moyen-Orient a également marqué une période révolutionnaire qui a apporté la modernité à une région jusque-là en marge de l'Empire ottoman en déclin. Elle a également donné naissance à l'égyptologie, à l'archéologie, à la cartographie moderne et à la médecine.

Bon à savoir

Les bandages utilisés pour soigner les nombreux soldats français blessés provenaient d'un tissu de Gaza tissé – et sont encore aujourd'hui appelés « tampons de gaze ».

Visiter Akko en un jour

Visiter Akko en un jour ? Que voir, Que faire

Akko est une ville très touristique, conçue pour accueillir de grands flux de visiteurs. Ne vous attendez pas à y trouver des lieux cachés ou authentiques, loin des sentiers battus. Sa vieille ville est aménagée comme un parcours de tourisme de masse, à l'image des vieilles villes de Jérusalem ou de Jaffa.

Mais alors que la plupart des guides touristiques, y compris le site officiel d'Akko, vous orientent vers des visites payantes et souvent peu engageantes des édifices et monuments des Croisés et de la période ottomane, nous vous proposons une approche de la ville radicalement différente. Bien évidemment, nous allons passer devant la forteresse, la citadelle, la mosquée, le Tour de l'horloge, la synagogue Ramacham et tous les autres édifices importants. Et bien évidemment aussi par le shouk et le bazar turc. Mais notre parcours, lui, contrairement aux autres, est conçu pour vous immerger dans l'histoire de la ville à travers des anecdotes originales et passionnantes.

Et tout cela pour le prix modique de trois cafés.

Yallah, c'est parti !

A. Promenade sur les remparts

Commencez par une promenade sur les remparts de la vieille ville. Cette balade offre une vue imprenable sur la mer Méditerranée révélant pourquoi ce port fût un point d'entrée majeur à une lointaine époque. C'est l'occasion d'admirer les remparts et de repérer les monuments emblématiques comme la mosquée et la tour de l'horloge.

Par temps clair, vous pourrez peut-être même apercevoir Beyrouth 😊.

Terminez votre balade au petit port de pêche. Vous apercevrez au large ce qui reste de la "tour des mouches", une ancienne fortification de l'époque des Croisés.

Installez-vous ensuite dans la cour intérieure du merveilleux café Hamudi Art Café et commandez votre premier café botz  de la journée. Nous allons vous raconter la célèbre campagne d'Egypte et de Syrie de Napoléon de 1799 et comment il a lamentablement échoué face à la forteresse d'Akko.

B. Explorez la vieille ville

Ensuite, explorez la vieille ville, son souk animé et son bazar.

1. La forteresse des Hospitaliers

La forteresse est un ensemble de bâtiments entouré de fortifications qui servait au départ de quartier général aux Croisés. Le complexe abrite une citadelle, un hôpital, un réfectoire, des salles voûtées, des cours intérieurs et des tunnels souterrains. C’est ce site qui est classé au patrimoine de l’Unesco.

La forteresse est donc la « signature Croisé » de votre visite. Une partie du site a été reconvertie en prison durant la période ottomane et lors du mandat britannique. Si vous êtes passionné par la période croisée, vous pouvez acheter un billet pour visiter l'intérieur. Pour les autres, asseyez-vous plutôt à un café avec vue sur la citadelle. Commandez un deuxième café "sharor" et nous vous raconterons l'histoire de l’évasion spectaculaire des membres de l’Irgoun de la prison d'Akko.

2. Les bains turcs (Al Basha)

Le bain turc d'Akko est aujourd'hui un musée, pas un lieu de bain actif. Si vous cherchez une véritable expérience de hammam, nous vous recommandons plutôt de visiter Istanbul. 😊

La vue de l'extérieur du bâtiment est suffisante, à moins que vous n'ayez beaucoup de temps libre pour la journée.

3. La synagogue Ramhal

La synagogue Ramhal est un lieu modeste niché au cœur de la vieille ville d'Akko. Bien que le site prétende être chargé d'histoire, son intérêt pour le visiteur est relatif et l'entrée est payante. Il sert avant tout à signaler une présence juive très ancienne dans la ville,... et à justifier ainsi la présence juive actuelle.

Le nom "Ramhal" est l'acronyme de Rabbi Moshe Chaim Luzzatto (1707-1746), un rabbin, kabbaliste, philosophe et poète italien du XVIIIe siècle. Sa vie a été marquée par la controverse. Accusé d'hérésie et de tendances messianiques, il fut contraint de quitter l'Italie pour Amsterdam, puis fit son aliyah (son immigration) en Terre d'Israël, s'installant à Akko. Il y décéda quelques années plus tard, à l'âge de 39 ans, lors d'une épidémie de peste.

Voilà, vous savez à peu près tout ce qu’il faut savoir sur ce rabbin. Vous pouvez donc vous épargner le musée sauf si vous êtes un rabbin orthodoxe.

4. Le tunnel des Templiers

Le tunnel des Templiers est l'un des nombreux pièges à touristes d'Akko. Nous ne comprenons toujours pas son succès.

Si la visite d'un tunnel sans grand intérêt vous passionne, vous pouvez acheter un billet pour l'explorer. Pour les autres, nous vous suggérons de vous installer à nouveau dans un café. Commandez un troisième café turc mais cette fois à la cardamome, et nous vous raconterons l'histoire des Croisés à Saint-Jean d'Acre.

5. Le shuk - White Market et le bazar turc

Promenez-vous dans le shuk (White Market) puis dans le Bazar turc.Le marché est toujours au cœur de l'animation de la ville: on y trouve des étals de poissons et de fruits et légumes, ainsi que des boutiques de souvenirs et autres destinées aux touristes.

6. La Tour de l'Horloge

Elle fait partie des sept tours horloge construites en Palestine à la fin de la période ottomane (1516-1917), parmi plus d’une centaine dans tout l’empire.  Les autres se trouvent à Safed, Jaffa, Nazareth, Haïfa, Naplouse et Jérusalem, mais cette dernière a été détruite par les britanniques. Il n’y a rien à dire de plus. On ne va pas s’extasier pendant des heures sur une horloge.

A l'issue de cette journée, vous aurez probablement compris qu'il n'y a pas de différence entre un café botz, un café turc et un café sharor. En pratique, il s'agit de la même boisson. Tout simplement.

Histoire de la ville de Jaffa

Aux origines de Jaffa

Les origines du nom de Jaffa ne sont pas très claires. Certaines théories s'appuient sur la tradition biblique, liant le nom de la ville à Japhet, l'un des fils de Noé, qui l'aurait reconstruite après le Déluge.

La mythologie grecque, quant à elle, fait de la ville de Jopa le décor du mythe d'Andromède. Dans cette histoire rocambolesque, une princesse fût enchaînée à un rocher pour être offerte en sacrifice à un monstre marin afin d'apaiser la colère de Poséidon, le dieu de la mer.

Ce qui est, par contre, clairement établi, c’est que Jaffa est une ville millénaire, dont l'histoire remonte à plus de 3 500 ans. C’est l'un des ports maritimes les plus anciens de la région et la ville est déjà mentionné à plusieurs reprises dans la Bible. Selon ce texte ancien, à l'époque du roi Salomon, le bois de cèdre du Liban utilisé pour la construction du Premier Temple de Jérusalem aurait transité par ce port avant d'être acheminé vers la ville sainte. C’est également du port de Jaffa que le prophète Jonas embarqua avant d’être avalé par un grand poisson.

L'histoire de Jaffa est marquée par une succession de périodes de prospérité et de déclin. Son récit est celui d’une ville marquée par des périodes de dominations égyptienne, romaine, musulmane, chrétienne, ottomane et aujourd'hui juive. Un condensé de l’histoire de la région en quelque sorte.

L’Antiquité à Jaffa

L'histoire antique de Jaffa est fortement influencée par les puissances égyptienne et romaine qui ont dominé la région.

 

1. La période égyptienne

La présence des Egyptiens à Jaffa, dès l’âge de bronze, est attestée par des éléments archéologiques :

  • Un papyrus datant de l’époque de Thoutmôsis III, célèbre pour ses nombreuses campagnes militaires qui ont étendu l'empire égyptien à son apogée, narre le récit de la « prise de Joppé» par les armées du Pharaon. Ce conte raconte comment le général égyptien a dissimulé ses soldats dans des jarres pour les faire entrer dans la ville fortifiée, une stratégie qui rappelle l'histoire du cheval de Troie. Si vous visitez un jour Londres, passer par le British Museum vous permettra de découvrir le fameux Papyrus Harris 500 (également connu sous le numéro de musée EA 10060).
  • Des fouilles archéologiques ont mis à jour les vestiges d’une porte de fortification construire sous le règne de Ramsès II. La reconstitution est visible lors de votre visite de Jaffa (la porte Ramsès II) et constitue une preuve matérielle de la présence égyptienne à Jaffa dans l’Antiquité.

Jaffa a servi de base militaire et administrative pour les Égyptiens. Les pharaons y maintenaient une garnison pour collecter les impôts des Cananéens locaux et pour s'assurer de la loyauté des cités-États de la région.

Le papyrus Harrys 500

2. La période romaine

Après sa conquête par le général Pompée (63 av. J.-C), la ville de Jaffa, alors connue sous le nom de Ioppé, passe sous domination romaine.

La période romaine de Jaffa est un mélange de violence et de développement. La ville a subi les conséquences brutales des guerres, mais elle a aussi prospéré en tant que port sous l'administration romaine, et son rôle a été déterminant dans l'essor du christianisme.

  • Lors de la “Grande Révolte juive”, la ville de Jaffa était devenue un bastion pour les rebelles qui menaient des raids contre les navires romains. Pour y mettre fin, le général romain Vespasien assiégea et détruisit la ville, massacrant une grande partie de sa population.
  • La ville fût ensuite reconstruite et prospéra à nouveau. Bien que Jaffa n’ait pas de grands monuments romains encore debout, les fouilles ont permis de documenter l’occupation de la ville et son évolution, notamment sa destruction et sa reconstruction après la Grande Révolte juive. Le centre d’accueil des visiteurs qui se trouve sous la place Kedumim permet de voir des fondations d’habitations et des traces d’urbanismes datant de l’époque romaine. Lors de fouilles de certains sites, comme l’ancien hôpital français, les archéologues ont également retrouvé une grande quantité d’objets datant de la période romaine, incluant des poteries, des récipients en pierre, des amphores et des jarres de stockage. Ces découvertes donnent des indications précieuses sur la vie quotidienne, le commerce et les habitudes de la population à cette époque.
  • La période romaine de la ville est également attestée par les premières marques du christianisme. L'un des épisodes les plus importants du Nouveau Testament a lieu à Jaffa. Selon les Actes des Apôtres, c'est dans la maison de Simon le tanneur que Saint Pierre a eu une vision qui l'a convaincu d'accepter les païens dans l'Église chrétienne.

La conquête musulmane

La domination romaine prend fin avec l'essor de l'Empire byzantin, qui a gouverné la ville jusqu'à la conquête musulmane. En 636, Jaffa est prise par les armées du Califat de Rashidun, marquant le début d'une longue période de domination musulmane. Au cours des siècles suivants, la ville passe sous le contrôle successif des califats Omeyyade, Abbasside et Fatimide, reflétant les conflits incessants pour le contrôle de la région.

La période des Croisades

Pendant les Croisades, les armées chrétiennes partent à la conquête de la Terre Sainte pour contester la domination musulmane, plongeant la région dans une période de chaos et de conflits qui s'étend sur deux siècles.

La ville de Jaffa se retrouve au cœur de ces luttes, changeant de mains à de multiples reprises. Elle est notamment reprise par Saladin après la bataille de Hattin en 1187, puis reconquise peu de temps après par le roi Richard Cœur de Lion.

Les vestiges des Croisés à Jaffa sont moins visibles que dans d'autres villes de la région comme Saint-Jean-d'Acre, car la ville a été détruite à plusieurs reprises. Cependant, des fouilles ont notamment mis au jour les vestiges des fortifications croisées, notamment au niveau de l'actuel Hôpital Français. Ces restes de murs et de douves témoignent de l'effort de fortification de la ville par Saint-Louis (le roi de France Louis IX) pour la rendre plus résistante aux attaques.

La destruction de Jaffa par les Mamelouks

Ce sont les Mamelouks qui mettent un terme à la présence des Croisés en Terre Sainte. Après des combats intenses, ils chassent les chrétiens de la région au XIIIème siècle et intègrent la ville dans leur califat. Et pour empêcher toute tentative de reconquête, les Mamelouks rasent la ville. Pendant la majeure partie de leur règne, Jaffa est restée un port en ruine, à l’abandon.

L’histoire de la ville de Jaffa est donc fort similaire à celle de Saint-Jean d’Acre ou Akko, capitale du Royaume de Jérusalem des Croisés.

L'influence ottomane (1515 - 1917)

L'arrivée des Ottomans, après des siècles de ruines sous les Mamelouks, a permis à Jaffa de renaître. Toutefois, la période ottomane a été marquée par un événement tragique : la campagne d'Égypte de Napoléon Bonaparte. C'est à Jaffa que se sont déroulés deux des épisodes les plus sombres de cette épopée militaire :

  • La prise de Jaffa et le massacre des prisonniers ottomans: Après avoir conquis Jaffa en 1799, plusieurs milliers de soldats ottomans sont fait prisonniers. Malgré la promesse d'épargner leurs vies, Napoléon ordonne leur exécution, faute de pouvoir les nourrir ou les surveiller.
  • L'abandon des soldats français malades : Vaincu lors du siège de Saint-Jean-D’Acre, Napoléon bat en retraite et repasse par Jaffa. Il laisse derrière lui les soldats de son armée gravement malades, notamment ceux atteints de la peste.

Ces deux épisodes sombres à Jaffa ne s'accordent pas avec le récit que Napoléon souhaitait construire. Pour réécrire l'histoire à son avantage et se présenter comme un chef bienveillant, Napoléon commanda le célèbre tableau "Les Pestiférés de Jaffa", aujourd'hui exposé au musée du Louvre.

L’arrivée des Juifs européens et le développement économique du XIXe siècle

Le XIXe siècle a été la période de l'âge d'or de Jaffa sous les Ottomans. Avec l’arrivée massive des Juifs européens, la ville redevient le principal port de la région, servant de porte d'entrée pour les pèlerins se rendant à Jérusalem, ainsi que pour le commerce international. Le développement agricole a été crucial :

  • Les célèbres oranges de Jaffa, de la variété Shamouti, ont commencé à être cultivées et exportées à grande échelle, faisant la renommée de la ville dans le monde entier.
  • Des usines produisent du savon, de l'huile d'olive et d'autres biens.

La ville se modernise et est prospère. En 1892, la première ligne de chemin de fer du Moyen-Orient, reliant Jaffa à Jérusalem, est inaugurée, renforçant le rôle de la ville comme centre névralgique de la région. Des consulats européens, des écoles et de nouveaux quartiers résidentiels voient le jour.

L'essor économique de Jaffa a bien évidemment attiré de nombreux travailleurs arabes venus de toute la région (Égypte, Syrie, etc.). Cet afflux de population étrangère est d'ailleurs aujourd'hui utilisé par les défenseurs de l'Etat hébreu pour affirmer que la plupart des Palestiniens ne sont en réalité pas des habitants de souche, un point de vue qui s'oppose au récit national palestinien.

La naissance de Tel Aviv et le déclin de Jaffa

La période ottomane de Jaffa se termine avec la Première Guerre mondiale et l'arrivée des Britanniques en 1917, qui marquera le début d'une nouvelle ère pour la ville et toute la région. L'arrivée massive des Juifs européens va venir bouleverser le rôle de Jaffa. Un groupe de Juifs décide de fonder un tout nouveau quartier en dehors de la ville en 1909: c’est le début de Tel-Aviv.

Le développement rapide de cette nouvelle ville, et notamment la construction d’un nouveau port au nord de Tel-Aviv, de nouveaux marchés (Hatikvah et Carmel), une centrale électrique (Reading) et une nouvelle gare routière, relègue Jaffa au second plan. Cette dernière subit un déclin rapide avant d'être officiellement fusionnée avec Tel-Aviv en 1950, donnant naissance à l'entité Tel-Aviv-Jaffa. Majoritairement arabe avant 1948, Jaffa devient majoritairement juive par la suite.

Et aujourd’hui?

Jaffa a longtemps été considérée comme le parent pauvre de la nouvelle métropole, réduite à son rôle de petit port de pêche. Ce n'est qu’au début des années 2000 que la municipalité a entrepris de la transformer en une destination touristique majeure. Autrefois négligée, Jaffa est devenu un lieu à la mode. La municipalité met en scène un riche passé et une coexistence soi-disant harmonieuse entre Juifs et Arabes. Une image de carte postale qui semble plaire aux touristes débarquant chaque jour par milliers dans la ville.

La prise de Jaffa par Napoléon

Au cours de sa campagne d'Egypte, Napoléon et son armée assiègent la ville de Jaffa. Après quelques jours de siège, Bonaparte décide d'envoyer un émissaire pour demander la reddition des assiégés ottomans. Pour toute réponse, ledit émissaire est décapité, sa tête brandie en haut des remparts !!

Bonaparte ordonne alors l'assaut de la ville. Une division française trouve par hasard un souterrain et toute une division y entre pour se retrouver au centre-ville. Une autre division pénètre dans la ville via une brèche réalisée par l'artillerie dans la muraille. Les combats sont rudes et se font au corps à corps.

Finalement la ville tombe aux mains des français et les 3.000 prisonniers ottomans seront tous exécutés sur ordre de Napoléon.

Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa

La prise de Jaffa, le 7 mars 1799, et sa violente mise à sac par l'armée française, sont rapidement suivies par l'aggravation d'une épidémie de peste bubonique causé par le manque d’hygiène, qui va décimer l'armée commandée par Napoléon Bonaparte.

Il existe un tableau très célèbre racontant l'épopée de Napoléon à Jaffa peint par Antoine-Jean Gros (le tableau de 7m sur 5 est exposé à Paris au Louvre).

Explication du tableau

Le peintre magnifie le courage de Napoléon qui avance au milieu des soldats contaminés et touche même les plaies de l'un d'entre eux. Ce geste fait référence à la tradition des rois de France qui étaient censés guérir les écrouelles en les touchant (les écrouelles sont des abcès d'origine tuberculeuse atteignant les ganglions du cou).

Le rite, dont la tradition remonte au XIe siècle, se déroulait ainsi, le roi touchait les malades de ses mains en prononçant la formule : «Le roi te touche, Dieu te guérit».

Le tableau met en valeur Bonaparte au centre, dans la lumière, alors que les côtés sont dans la pénombre, son geste est déjà celui d’un souverain et les malades se tournent vers lui en l’implorant.

Description du tableau

La scène se passe sous les arcades d’un mosquée (on y voit sa cour et son minaret) reconvertie en hôpital de campagne. En arrière-plan, il y a les murailles de la ville de Jaffa dont une tour présente une brèche, tandis qu’un drapeau français démesuré flotte au-dessus.

  • À gauche, on trouve un homme habillé à la manière orientale distribue du pain, aidé par un serviteur qui porte un panier. Derrière eux, deux noirs en livrée portent un brancard.
  • Sur la droite, Bonaparte, l'air calme et bienveillant touche des doigts de sa main gauche dégantée les pustules d’un soldat debout, à demi vêtu d’un drap. Desgenettes, le médecin en chef de l’armée, surveille attentivement le général tandis qu’un soldat cherche à écarter la main de Bonaparte pour lui éviter la contagion. Cela illustre la méconnaissance au 19ème siècle de la maladie et des mécanismes de la contagion de la peste bubonique (notamment par les puces). Toucher à main nue un bubon n’est pas particulièrement risqué.

Analyse du tableau

  • Le geste médical est un peu plus à droite du tableau, il est inchangé depuis au moins le Moyen Âge : c'est l'incision des bubons opérée par le vieux médecin, pour s'en faire écouler le pus, ce qui est inefficace en termes de traitement, et affaiblit le malade. Le médecin essuie la lame qui va servir à inciser. L'assistant du médecin soutient et bloque le malade pendant l'opération.
  • A droite un autre soldat, entièrement nu, soutenu par un jeune Arabe, est pansé par un médecin turc. Un officier, les yeux bandés car il est atteint d’une ophtalmie en plus de la peste, s’approche à tâtons en s’appuyant sur une colonne. Depuis leur arrivée en Égypte en juillet 1798, les Français sont nombreux à être touchés par des troubles graves aux yeux dus au sable, à la poussière et à la lumière du soleil.
  • Au premier plan, un malade agonise sur les genoux de Masclet, jeune chirurgien militaire lui-même atteint par la maladie. Derrière le général, deux officiers français apparaissent effrayés par la contagion : l’un se protège la bouche avec son mouchoir tandis que l’autre s’éloigne. L'officier qui protège sa bouche et son nez n'a pas une attitude totalement infondée : certains cas de peste bubonique peuvent évoluer en peste pulmonaire, avec un risque très élevé de contagion par les aérosols émis par la toux des malades.
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