L’histoire de nombreuses villes se base sur des mythes fondateurs. A New-York, le récit de la fondation de la ville commence par le rachat pour quelques florins de l’île de Manhattan par des colons aux Indiens. A Tel-Aviv, la construction e, 1909 d’un tout nouveau quartier juif moderne, appelé Ahuzat Baït, en dehors de la ville de Jaffa est le point de départ du récit officiel relatant la naissance de la ville. C'est l'acte fondateur de la ville.
Le récit historique couramment présenté indique que des membres de la communauté juive ont acquis des terrains adjacents à la ville de Jaffa afin d’y établir un quartier moderne. Cette nouvelle localité, créée par et pour la population juive, s’inscrit dans le cadre du mouvement sioniste, dont elle constitue une illustration symbolique.
Ainsi, la version officielle de la fondation de Tel-Aviv intègre les principaux mythes fondateurs associés à l’État d’Israël.
L'achat de terrains
Tout commence en 1909 lorsque 66 familles juives décident de quitter la vielle ville de Jaffa insalubre et surpeuplée pour créer un nouveau quartier juif moderne dans les faubourgs de la ville. Un comité de quartier (présidé par Arieh Akiva Weiss) est créé et est chargé d’acheter avec des fonds privés les terres sablonneuses appartenant aux bédouins. C’est la genèse de la ville : les Juifs sortent de Jaffa (où les propriétaires sont majoritairement arabes) pour créer une nouvelle vie juive en dehors de la ville. C’est la première ville hébraïque des temps modernes.
Cet acte fondateur a été immortalisée par une photo devenue iconique.
C’est la première référence métaphorique au projet sioniste : les Juifs s’installent par l’acquisition légale de terrain sur un terre vierge. La photo iconique fait également partie du mythe : on y voit des dunes de sables.C'est l'idée "du peuple sans terre pour une terre sans peuple".
Il faut juste se rappeler que les fonds privés ayant permis d’acquérir les terrains ont été obtenus avec le soutien des institutions sionistes (KKL) et que le quartier s’insère en réalité dans un tissu de quartiers préexistants juifs (comme Neve Zedek ou Kerem HaTaimanin) mais aussi arabe (Manshiya). Bref, l'endroit n'était pas totalement désert.

La photo iconique
Le choix du nom du quartier
Le quartier s’appelait au départ (1909) Ahuzat Baït. Mais il a très vite (un an plus tard) été rebaptisé Tel-Aviv (sur proposition du leader sioniste Nahum Sokolov) en référence au roman utopique de T. Herzl « Altneuland » qui décrivait une société juive moderne, créative, éduquée, tolérante et progressiste.
- Altneuland = (Alt) ancien - (Neu) nouveau - (land) pays
- Tel-Aviv = Tel (colline renfermant des vestiges du passé) – Aviv (printemps, renouveau)
C’est la deuxième référence métaphorique au projet sioniste. La création de Tel-Aviv est en fait la métaphore de la création de l’Etat d’Israël.
Le tirage au sort
Le 11 avril 1909, un tirage au sort - avec des coquillages blancs sur lesquels sont inscrits le noms des familles et des coquillages gris sur lesquels les numéros des lotissement sont inscrits – est organisé pour répartir les lotissements.
C’est la troisième référence métaphorique au projet sioniste qui se veut un projet égalitaire. Il n’y a pas de différence de classes sociales à l’intérieur de la nouvelle société juive. Riches comme pauvres sont logés à la même enseigne. Pourtant, à y regarder de plus près, les types sur la photos iconique ne font pas très "couleur locale". Ils sont tous habillés à l'occidentale et ont plutôt un type caucasien. Ils sont en réalité à 70% issus des immigrations européennes (des ashkénazes de la première et deuxième aliah). Et on applaudit aussi bien fort Meir Dizengof, notable de son état et futur maire de la ville, d'avoir eu "la chance" d'obtenir le plus beau des lotissements sur le boulevard Rothschild ! Le hasard fait parfois bien les choses.
À l’époque, la fameuse loterie passe complètement sous le radar, à peine évoquée dans un journal local en 1909. Ce n’est qu’avec le recul des années qu’elle prend des allures de petite légende urbaine dans l’histoire de la ville, ajoutant une touche de mystère et d’amusement au récit fondateur.
Un quartier moderne
Ce premier quartier se veut assez moderne (eau courante, jardin, etc.) et s’inspire de l’architecture occidentale.Le projet est donc assez symétrique (une rue principale et 10 rues perpendiculaire). Ce quartier dénote ainsi totalement par rapport à l’agencement des anciens quartiers juifs que l’on trouvent dans les pays arabo-musulmans (mellah) ou en Europe (ghettos). C’est la quatrième référence métaphorique au projet sioniste. L’Israélien n’est plus un Juif ancien confiné dans un quartier insalubre de la ville en marge de la société mais un Juif nouveau et moderne qui prend son destin en main. Tel-Aviv est le premier quartier autonome de l’ère juive moderne. On n’est plus dans l’histoire des Juifs du ghetto.
On entre dans la nouvelle histoire moderne des Juifs d’Israël.

