Le drame de l’Altalena

Ce sont deux événements importants qui vont véritablement marquer l'histoire de la ville de Tel-Aviv en 1948 : la déclaration d'indépendance de l'Etat d'Israël et le drame de l'Atlalena qui s'en est suivi un mois plus tard.

Trois organisations paramilitaires préexistaient à la création de l’Etat d’Israël : la principale : Haganah et deux plus petites et plus radicales : l’Irgoun  Zwaï Leoumi et le Lehi. L’histoire de ces trois organisations paramilitaires est d’une importance capitale pour pouvoir comprendre les fondements de la société israélienne et les grands courants qui vont l’irriguer. La preuve en est par les personnalités qui vont émerger sur le devant de la scène politique: Ben Gourion (chef de la Haganah), Menahem Begin (chef de l’Irgoun) et Itzhak Shamir (chef de Lehi) vont devenir Premier ministre respectivement de 1948 à 1963, de 1977 à 1983 et de 1986 à 1992.

Lors de la guerre d’indépendance, les deux petites factions radicales (Irgoun et Lehi) se rangèrent sous le commandement de la Haganah. Le gouvernement provisoire créa l’Armée de Défense Juive (Tsahal) et déclara toute autre organisation militaire illégale. L’Irgoun dénonça l’armistice et affirma son intention de poursuivre la lutte armée jusqu’à la libération totale de Jérusalem. Bien que Menahem Begin le conteste formellement dans ses Mémoires, ce qui se joue à ce moment c'est le monopole de la force légitime entre la Haganah (avec le Palmach comme unité combattante) et l'Irgoun et une possible guerre civile. Et ce combat entre ces deux factions va trouver son apogée dans la tragique histoire de l'Altalena.

L’Irgoun achemina un bateau avec à son bord 800 immigrants (combattants) mais également des armes et munitions. Le gouvernement provisoire exigea que le bateau fût placé » sous sa seule autorité. L’Irgoun refusa et proposa un compromis qui lui laisserait une partie substantielle de la cargaison. Le point précis de l’accostage était la rue Frischman à Tel-Aviv.

Ce fut alors que Ben Gourion, pour asseoir définitivement l’autorité du gouvernement provisoire (et le monopole des forcées armées) ordonna au Palmach de prendre le bateau par la force avec pour résultat 15 morts et un bateau coulé au large de Tel-Aviv. L'attaque du navire a été immortalisé (l'une des très rares photos de l'événement) par le célèbre photographe Robert Capa.

La guerre civile a été évité de peu. Elle réapparaîtra sous une autre forme lors du coup d'état judiciaire organisé par le gouvernement Netanyahu issu des urnes en 2022. Mais cela, c'est une autre histoire.

Le syndrome « Ron Arad »

Ron Arad, tout le monde le connaît en Israël. Des chansons et poèmes lui sont dédiés. Des dizaines de reportages et des films lui sont consacrés depuis 40 ans.

Il est le « fils » que toutes les familles israéliennes redoutent : le soldat retenu captif ou porté disparu au combat.

Son histoire

Son histoire est à la fois simple et tragique : en opération dans le ciel du Liban en 1986, son avion subit un dommage technique. L’équipage arrive à s’éjecter et tombe en territoire ennemi. Le pilote est récupéré au cours d’une opération de sauvetage périlleuse mais Ron Arad, lui, est capturé par la milice libanaise Amal. Les ravisseurs demandent de l'échanger contre 200 prisonniers libanais et 450 palestiniens, ainsi que 3 millions de dollars. Le deal ne se fait pas. Certains estiment que c’est Itzhak Rabin, alors Ministre de la Défense, craignant le coût politique d’une nouvelle « affaire Jibril » qui aurait finalement refusé le deal.

La chance de le récupérer vivant est définitivement passée. On ne le reverra plus.

Un corps jamais retrouvé

Arad a envoyé trois lettres de captivité et deux photos de lui ont été publiées. Depuis lors c’est silence radio. Israël a perdu sa trace en 1988. Plusieurs opérations israéliennes ont été menées pour obtenir plus d'informations sur son sort, notamment la capture de membres du Hezbollah et une récompense de 10 millions de dollars.

Mais personne ne sait ce qu’il est advenu du navigateur. Un rapport officiel a déterminé en 2016 qu’Arad était probablement mort en 1988. Deux thèses circulent sur les causes probables du décès : la première est qu’il aurait été assassiné par la milice libanaise qui le détenait au sud-Liban. L’autre qu’il aurait été « vendu » et transféré en Iran où il est mort à la suite d’un accident.

Le syndrome Ron Arad: la fin du mythe

L’histoire du navigateur Ron Arad continue de hanter la société israélienne plus de 40 ans après sa disparition.

Un mythe persiste dans la société israélienne selon lequel le gouvernement se doit de tout faire pour ramener les soldats, vivants ou morts, en Israël. Et Ron Arad est celui qui vient remettre en question ce mythe puisque sa dépouille n’a jamais été rapatriée. Son retour demeure une cause nationale. En 2021, le Mossad a encore effectué une expédition périlleuse au sud-Liban pour collecter un échantillon ADN dans un cimetière local mais sans résultat.

Qui veut comprendre la psyché de la société israélienne doit connaître le « syndrome Ron Arad ». Les centaines d’Israéliens détenus à Gaza à la suite des massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023 viennent d’enterrer définitivement le mythe.

Scroll to top