Trumpeldor, le combattant manchot

Le nom de Joseph Trumpeldor ne vous dit rien ?

C’est pourtant un personnage central dans la mythologie israélienne. Un combattant entré dans l’histoire de l’Etat d’Israël pour  son héroïsme et sa bravoure.

Il perd un bras dans une bataille

Trumpeldor, né en Russie, a rejoint tôt l'armée russe et participé à la guerre russo-japonaise (1904-1905), où il a perdu un bras et a été capturé par les Japonais. En 1911, il fait son Aliya, fonde la légion juive avec Zeev Jabotinsky, et combat comme commandant d'une brigade juive aux côtés de l'armée britannique pendant la Première Guerre mondiale.

La bataille de Tel Haï

En 1920, Joseph Trumpeldor et une petite unité de la légion juive défendent bravement une colonie juive du Nord de Tel Haï contre des attaques arabes. Au cours de la bataille, les huit combattants perdent la vie.

Avant de mourir, Trumpeldor aurait alors déclaré : « Qu’il est bon de mourir pour mon pays ».

Trumpeldor ou le mythe national du sacrifice

Le personnage devient une icône et la bataille entre dans le récit sioniste.

La référence à Joseph Trumpeldor est partout en Israël : Beitar – acronyme de « Brit Yossef Trumpeldor » (« L’alliance de Joseph Trumpeldor ») – est devenu le nom du mouvement de jeunesse sioniste révisionniste, et une litanie de noms de lieux et de clubs de football et de basket-ball. De nombreuses rues en Israël portent également le nom de Trumpeldor, tout comme un célèbre cimetière de Tel-Aviv. Et la ville de Kiryat Shmona (la « Communauté des Huit »), dans le nord d'Israël, porte le chiffre huit en référence aux huit combattants tués lors la bataille de Tal Haï, dont Trumpeldor.

Le choix de se battre et de mourir plutôt que de se rendre va devenir le mantra de l’héroïsme sioniste dans le Yishouv (le pré-état) et le fondement d'une doctrine militaire et politique israélienne de bravoure – celle de conserver son territoire à tout prix.

Le Jour du souvenir - Yom Hazikaron

C’est ce mythe national du sacrifice qui continue d’être véhiculé chaque année en Israël lors de la  « Journée du Souvenir » (Yom Hazikaron) honorant les soldats tombés pour la patrie (25.460 entre 1860 et 2025) et les victimes du terrorisme (5.229 entre 1851 et 2025) ou plus récemment pour relater la bravoure des soldates de la base militaire de Nahal Oz tuées lors des attaques terroristes du Hamas du 7 octobre 2023.

Lors de la cérémonie de 2025, le chef d’état-major a rendu un vibrant hommage aux soldats tombés pour le pays : « Ces héros nous ont légué un esprit de bravoure et de responsabilité. Nous nous engageons à marcher dans leurs pas », a-t-il déclaré. Le commissaire Levy a salué le courage des forces de sécurité face à l’ennemi. Un haut fonctionnaire du ministère de la Défense, a insisté sur la nécessité de faire vivre l’héritage des héros au quotidien : « Ces noms ne sont pas seulement ceux de martyrs, mais de bâtisseurs d’Israël. Nous devons vivre avec honneur et unité, en leur mémoire. » D’ici l’ouverture officielle du Jour du Souvenir, chaque tombe recevra un drapeau, une fleur et une bougie, perpétuant un hommage vibrant à la mémoire des héros d’Israël ».

Bref du Trumpeldor dans le texte.

Pour aller plus loin sur Joseph Trumpeldor:

Le procès de Trumpeldor

Word of the Day Tov Lamut Be'ad Artzeinu, Haaretz, 2013

 

Connaissez-vous Baruch Mizrahi?

Suite à l’établissement de l’État d’Israël, aux mouvements de décolonisation et à la guerre de 1967, les Juifs du Maghreb et du Proche-Orient sont expulsés des pays arabes et émigrent massivement en Israël, emportant bien souvent avec eux, pour unique bagage, la culture de leur pays d’origine.

Une aubaine pour le Mossad, les redoutables et redoutés services secrets israéliens, qui en profite pour recturer des agents spéciaux. En effet, un agent parlant arabe sans accent, connaissant les coutumes locales et capable de se fondre dans la population est d’une efficacité redoutable.

Un agent oublié

Dans le monde très particulier des services secrets, le Mossad, a une aura particulière. L'Agence compte plusieurs victoires retentissantes à son actif, comme la capture d’Eichmann ou la traque des assassins des onze athlètes israéliens lors Jeux olympiques de Munich en 1972.

Certains de ses agents sont même devenus célèbres. L’histoire de l’agent secret Eli Cohen, qui a opéré en Syrie jusqu’au sommet de l’État avant d’être finalement arrêté, torturé et pendu à Damas en 1965, est bien connue.

Cependant, certains agents qui ont contribué à la réputation du Mossad restent totalement inconnus du grand public.

C’est le cas de Baruch Mizrahi, dont l’histoire, basée sur des documents secrets du Mossad, a été révélée par le journal Haaretz.

La fabuleuse histoire de Baruch Mizrahi

Cette histoire est incroyable car cet agent spécial semble avoir participé à toutes les grandes épopées de l’Agence dans les années 60/70.

Il a d’abord été envoyé en Syrie pour collecter des renseignements sur le régime et recruter des agents locaux (en même temps que le célèbre agent Eli Cohen, mais sans se connaître). Le Mossad l’a ensuite envoyé au Liban pour recueillir des informations sur l’organisation palestinienne Fatah. Arrêté à l’aéroport de Beyrouth et interrogé pendant 4 jours, il a finalement été relâché, faute de preuve.

Le Mossad a voulu le faire “oublier” des pays arabes et l’a envoyé pendant un certain temps en Amérique latine pour tenter de vérifier l’identité d’une personne que certains pensaient être le criminel nazi Heinrich Müller (l’un des 10 principaux nazis recherchés par le Mossad). Après une traque de plusieurs semaines, il a conclu que ce n’était pas la bonne personne.

On le retrouve finalement au Yémen pour suivre les dirigeants de l’OLP. Il réussit à prendre une photo d’Ali Hasan Salameh, l’un des responsables du massacre des athlètes israéliens aux Jeux olympiques de 1972. Grâce à cette photo et aux renseignements recueillis par Mizrahi, le Mossad a pu monter une opération pour tenter de l’éliminer (avec la fameuse “affaire Lillehammer” qui s’est soldée par la mort d’un innocent confondu avec la cible).

Sa capture

C’est lors de sa mission au Yémen que la vie de l’agent bascule. Il est arrêté pour des motifs peu clairs et soumis à un interrogatoire terrible. Selon les documents du Mossad révélés par le journal Haaretz, ses interrogateurs lui ont infligé des décharges électriques, l’ont battu et giflé, lui ont arraché les ongles, tout en cherchant à l’humilier. Il finit par craquer et révéler sa véritable identité, mais réussit néanmoins à ne pas révéler une partie de son histoire, notamment sa période syrienne.

Israël a estimé qu’il était trop dangereux d’envoyer un commando le chercher et a préféré attendre le bon moment. Grâce à Ashraf Marwan, conseiller du président égyptien Anwar Sadat. Marwan était un agent du Mossad, surnommé “Angel”, qui restera dans l’histoire pour avoir alerté sur l’attaque imminente égyptienne en 1973. L'agent secret est finalement transféré dy Yémen vers une prison égyptienne.

Et c’est après la guerre du Kippour que l’occasion de le ramener s’est présentée : le chef du Mossad de l’époque a écrit une lettre à Golda Meir pour lui demander de le faire libérer dans le cadre d’un échange de prisonniers et a même menacé de démissionner s’il n’était pas libéré.

Il a finalement été échangé et est rentré sain et sauf en Israël.

Le syndrome « Ron Arad »

Ron Arad, tout le monde le connaît en Israël. Des chansons et poèmes lui sont dédiés. Des dizaines de reportages et des films lui sont consacrés depuis 40 ans.

Il est le « fils » que toutes les familles israéliennes redoutent : le soldat retenu captif ou porté disparu au combat.

Son histoire

Son histoire est à la fois simple et tragique : en opération dans le ciel du Liban en 1986, son avion subit un dommage technique. L’équipage arrive à s’éjecter et tombe en territoire ennemi. Le pilote est récupéré au cours d’une opération de sauvetage périlleuse mais Ron Arad, lui, est capturé par la milice libanaise Amal. Les ravisseurs demandent de l'échanger contre 200 prisonniers libanais et 450 palestiniens, ainsi que 3 millions de dollars. Le deal ne se fait pas. Certains estiment que c’est Itzhak Rabin, alors Ministre de la Défense, craignant le coût politique d’une nouvelle « affaire Jibril » qui aurait finalement refusé le deal.

La chance de le récupérer vivant est définitivement passée. On ne le reverra plus.

Un corps jamais retrouvé

Arad a envoyé trois lettres de captivité et deux photos de lui ont été publiées. Depuis lors c’est silence radio. Israël a perdu sa trace en 1988. Plusieurs opérations israéliennes ont été menées pour obtenir plus d'informations sur son sort, notamment la capture de membres du Hezbollah et une récompense de 10 millions de dollars.

Mais personne ne sait ce qu’il est advenu du navigateur. Un rapport officiel a déterminé en 2016 qu’Arad était probablement mort en 1988. Deux thèses circulent sur les causes probables du décès : la première est qu’il aurait été assassiné par la milice libanaise qui le détenait au sud-Liban. L’autre qu’il aurait été « vendu » et transféré en Iran où il est mort à la suite d’un accident.

Le syndrome Ron Arad: la fin du mythe

L’histoire du navigateur Ron Arad continue de hanter la société israélienne plus de 40 ans après sa disparition.

Un mythe persiste dans la société israélienne selon lequel le gouvernement se doit de tout faire pour ramener les soldats, vivants ou morts, en Israël. Et Ron Arad est celui qui vient remettre en question ce mythe puisque sa dépouille n’a jamais été rapatriée. Son retour demeure une cause nationale. En 2021, le Mossad a encore effectué une expédition périlleuse au sud-Liban pour collecter un échantillon ADN dans un cimetière local mais sans résultat.

Qui veut comprendre la psyché de la société israélienne doit connaître le « syndrome Ron Arad ». Les centaines d’Israéliens détenus à Gaza à la suite des massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023 viennent d’enterrer définitivement le mythe.

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