L’HISTOIRE DE LA VILLE DE TEL-AVIV

Tel-Aviv est une ville assez récente. La date de sa fondation la plus communément admise est 1909, année de création d’un nouveau quartier juif moderne (Ahuzat Baït) dans les faubourgs de la ville de Jaffa. Elle a donc fêtée son centenaire il n’y a pas très longtemps.

Naissance de la ville

L’histoire de nombreuses villes se base sur des mythes fondateurs. A New-York, le récit de la fondation de la ville commence par le rachat pour quelques florins de l’île de Manhattan par des colons aux Indiens. A Tel-Aviv, ce premier moment fondateur est la création d’un tout nouveau quartier juif avec quelques rues en dehors de la ville de Jaffa en 1909 appelé Ahuzat Baït (le domaine de la maison).

Ce n’est cependant pas le premier quartier juif créé en dehors de Jaffa. Certains Juifs avaient déjà quitté le centre insalubre et surpeuplé de Jaffa pour s’installer dans les faubourgs de la ville et y créer des nouveaux quartiers au cours du 19ème siècle : Neve Zedek (1886), Neve Shalom (1890), Yefe Nof (1896), M’ahane Yéhouda (1903), M’ahane Yossef (1904) et Ohel Moshe (1905) et Kerem HaTeimanim (1906).

Le développement de la ville (1920 – 1990)

Le quartier Ahuzat Baït qui prend le nom de Tel-Aviv dispose d’un château d’eau (permettant l’eau courante dans les maisons) va très rapidement agglomérer d’autres quartiers naissants. Sous le mandat britannique (1918-1947), le développement de la ville est confiée à Geddes qui propose un projet inspiré des villes-jardins. De ce plan, on retiendra la multiplicité des espaces verts (parc Meir, etc. en tout une soixantaine), la création de de grandes artères (Dizengof, Rothschild, Ibn Gavriol, etc.) destinées au trafic qui traversent la ville entrecoupées de rues plus résidentielles. Les grandes artères sont reliées entre elles par la création de ronds-points (Kikar Atarim, Kikar Dizengof, Kika Bialik, Kikar Habima, Kikar Rabin) qui deviennent les points de repères de la ville.

Le style bauhaus…

Du Tel-Aviv d’antan on retient bien évidemment ses bâtiments de style Bauhaus peints en blanc (pour refléter le soleil) donnant à TLA le surnom de ville blanche. Entre 1930 et 1956 seront construits 4.000 bâtiments de style Bauhaus (création d’édifices rapides et fonctionnels) caractérisés par des toits plats, de petites fenêtres de style "thermomètre" qui filtrent la chaleur et de longs balcons ombragés permettant aux résidents de se rafraîchir. En vue de sa préservation, le centre ville regroupant ces immeubles sera inscrit au patrimoine de l'UNESCO en 2003.

Le Bauhaus Center organise des visites du quartier (+/- 2h) en plusieurs langues, dont le Français.

https://bauhaus-center.com/

…mais pas que

Avec les vagues d’immigrations vont arriver des architectes européens qui vont influencer fortement l’architecture de la ville. De petites maisons individuelles au départ, Tel-Aviv va voir la construction de ses bâtiments intégrer différents courants architecturaux en fonction des origines des immigrants et des architectes. Le style architectural de Tel-Aviv est donc beaucoup plus éclectique que l’on ne le pense. Des maisons comme celle de Bialik sont par exemple inspirées du style arabo-turc. Si vous passez au 8 de la rue Nahalat Binyamin, vous pourrez admirer un bâtiment magnifiquement restauré dans le style Art nouveau , avec des ornements décoratifs tels que des balcons en forme de menorah et un long palmier sculpté qui longe la façade. Et puis il y a le très célèbre et incroyable bâtiment "crazy house" (au n° 181 de la rue Hayrakon), véritable œuvre d'art, qui a suscité un véritable scandale lors de son inauguration en 1985

Internationalisation de la ville : 1990 à ce jour

Les accords d’Oslo (1992) seront le point de départ de l’internationalisation du pays et donc également de Tel-Aviv qui en est son épicentre économique et culturel. A partir de cette date, les échanges commerciaux avec l’extérieur vont s’intensifier et faire du pays une nation de premier plan.

La ville de Tel-Aviv bénéficie de cette ouverture et est aujourd’hui pleinement reconnue pour son côté multiculturel, libéral et ouvert sur le monde. Cela va se refléter dans son architecture. Dans les années quatre-vingts dix, la ville amorce un nouveau tournant : elle se densifie et prend de la hauteur (incarné par les tours Yoo de Philippe Stark). De nombreux quartiers sont réhabilités et les anciens bâtiments laissent placent à de grandes tours modernes de sorte que le centre historique se trouve aujourd’hui véritablement encerclé par une ville contemporaine.

TEL-AVIV : un patrimoine en péril ?

Des anciens premiers quartiers historiques (construits entre 1887 et 1910) , seuls les quartier de Neve Zedek et du Kerem HaTeimanim ont été conservés. Il ne reste pas grand-chose des autres, y compris Ahuzat Baït, qui ont presque totalement disparu avec le temps au gré du développement de la ville.

La ville s’est développée pendant très longtemps sans égard à la préservation de son patrimoine. Cet oubli mémoriel s’explique doublement. Premièrement parce que le patrimoine de Tel-Aviv était neuf, contrairement à celui de Jérusalem où chaque pierre raconte une histoire millénaire. Deuxièmement parce qu’il correspondait à l’état d’esprit qui prévalait à l’époque. Israël est un pays jeune. Le premier objectif de la ville était de construire vite (et mal) pour pouvoir accueillir les nouveaux arrivants et se développer rapidement.

Les Israéliens, pragmatiques, se soucient peu du patrimoine. L’exemple le plus édifiant est celui du tout premier lycée hébraïque de l’ère moderne, le Herzliya Gymnasium, construit au début du XXème siècle. Ce bâtiment historique a été rasé dans les années 60 pour y laisser place à un gratte-ciel (la tour Shalom) à l’esthétique plus que douteuse. Idem pour le bâtiment qui abraitait le quartier général de la Haganah (Arlozoroff Street 15) entièrement démoli.

Il aura fallu attendre le début des années quatre-vingts dix pour voir les Israéliens se retourner vers leur passé et se rendre compte de l’intérêt de préserver la mémoire de la ville. C’est dans ce nouvel état d’esprit que doit être comprise l’inscription en 2003 d’une partie du centre historique au patrimoine de l’UNESCO.

On trouve maintenant un peu partout des plaques commémoratives et des bâtiments historiques précieusement préservés. Certains le sont grâce à de curieux marchandages. Tel fût le cas par exemple d’un promoteur immobilier qui s’est engagé à rénover l’ancienne ambassade de l’Union Soviétique moyennant l’accord de la municipalité pour construire un gratte-ciel juste derrière !

Mais se balader dans ses lieux désormais disparus permet, pour celui qui s’y connaît, de trouver encore quelques pépites.

Shouk HaCarmel : à la recherche des dernières pépites

C'est le plus grand marché extérieur de Tel-Aviv et aussi le plus connu. Ouvert tous les jours sauf le shabbat. Beaucoup de monde et assez touristique. La première moitié du marché est constituée d'échoppes de vêtements de contrefaçon bon marché. La seconde moitié d'étals de fruits et légumes (pour ceux qui mangent bio, passez votre chemin, il n'y a rien à manger). Certes, le marché est sympa pour son ambiance mais rien d'extraordinaire contrairement à ce qui est souvent annoncé (pour la plupart des guides traditionnels, c'est un endroit immanquable pour une première visite).

Heureusement, il existe encore quelques anciennes échoppes (dont certaines datent d'avant l'indépendance) qui valent vraiment le détour.

Magasin Amrani

Recherchez le magasin des frères Amrani. Il existe depuis 1935 et a été ouvert par le grand-père yéménite des propriétaires actuels. Dans ce magasin, vous trouverez plusieurs sortes de dattes, de noix, des épices, du riz basmati et sauvage, des thés en vrac, de la halva, de l'huile d'olive, des câpres, des graines de tournesol, des légumineuses et bien sûr des fruits secs (comme les ananas et les abricots mais aussi plus exotiques comme les kiwis, les fleurs d'hibiscus, les lychees séchés, etc.)

Idée d'achat: Goûtez les fruits secs.

Adresse: Hacarmel 15

Boulangerie Lehamin

C'est l'une des plus vieilles boulangeries de Tel-Aviv (1911 !!). Tous les pains sont confectionnés et cuits sur place. Si vous venez juste avant la fermeture (vers 17h30), les pains invendus du jour sont vendus au rabais.

Une autre boulangerie célèbre se trouve à l'entrée du Souk (Balkan Bakery - Daniel street).

Adresse: Hacarmel 11 

Dr. Halva

Envie d'une petite douceur sucrée? Du Halva pour tous les goûts: pistache, noix, toblerone, vanille caramel, etc. Si vous êtes au régime, il faut éviter le magasin. Sinon, essayer. C'est à tomber par terre.

Adresse: Hacarmel

Stand de borekas

Il faut essayer ces petits feuilletés (notamment fromage/épinard) d'origine turque et si typiquement sépharade. Commandez un "complete dish" (25 NIS)

Adresse: Hacarmel 38

Les cafés

Il y a plusieurs petits magasins où vous pouvez acheter du bon café: B'Shuk (ex-café Stern - 33 Hacarmel) et Cohen (Yishkon 32 - horaires d'ouverture changeants).

Kerem Hateimanim : la pépite au coeur de Tel-Aviv

Le quartier Kerem HaTeimanim est assez ancien (1905). Situé au cœur de la ville, il y a une atmosphère particulière qui se dégage de ses petites ruelles étroites bordées de citronniers et d'orangers. De nombreux bâtiments sont encore délabrés ce qui s’explique par le fait qu’il est très difficile voire impossible pour la municipalité de Tel-Aviv de retrouver la trace des premiers propriétaires des terrains. Le registre foncier de l'époque n'était manifestement pas pas très bien tenu ! Pour le reste, le quartier se gentrifie sérieusement au point de perdre tout doucement son âme.

Un peu d'histoire

Une balade dans ce petit quartier charmant et atypique de Tel-Aviv permet de se pencher sur l’histoire de l’immigration des Juifs yéménites qui est probablement l'histoire la plus tragique du retour des Juifs en Israël.

Une première vague d’immigration au début du XXème siècle

La première vague d’immigration se déroule au début du XXème siècle (1904) encouragée par l’organisation sioniste mondiale. Les Juifs yéménites sont à cette époque essentiellement utilisés comme des ouvriers pour remplacer les ouvriers palestiniens arabes. Perçus comme des arabes par les Juifs ashkénazes ils sont relégués parmi les couches inférieures de la société israélienne. Alors qu’ils font pourtant leur Alya au même moment que les futurs pères fondateurs (Ben Gourion, Golda Meir, etc.) venus d’Europe, aucun Juif yéménite ne marquera l’époque.

Opération « Tapis magique »

La deuxième vague d’immigration importante se déroule avec l’opération « Tapis magique», opération secrète qui permit d’emmener entre 1949 et 1950 la quasi-totalité des Juifs du Yémen (environ 49.000 personnes) en Israël, une poignée (1.200) décidant de rester. Ensuite, l’émigration s’est poursuivie par petits groupes, vers Israël ou les Etats-Unis. En 2009, une soixantaine de Juifs sont exfiltrés vers New-York. En 2016, une nouvelle opération spéciale secrète en pleine guerre civile, évacue 200 dont le rabbin de la communauté et un rouleau de la Torah datant de plus de 600 ans. Cette opération marque officiellement la fin des opérations de transfert par l’Agence juive. En 2021, 13 sont évacués vers l’Egypte. Il ne resterait que un seul Juif au Yémen :Levi Salem Musa Marhabi actuellement emprisonné par les forces rebelles Houtis

L’affaire des enfants disparus

Mais l’affaire la plus douloureuse en lien avec la communauté yéménite concerne la disparition de centaines d’enfants (le nombre exact n’est pas connu, on parle de plusieurs centaines à 1.500). En effet, à leur arrivée en Israël, beaucoup d’enfants, éprouvés par leur périple, étaient très affaiblis et furent envoyés en convalescence dans des hôpitaux. Certains furent déclarés morts. Leurs parents ont été informés que leurs enfants étaient décédés à l’hôpital mais n’ont pu voir ni le corps, ni la tombe. Des soupçons sont nés sur la réalité de ces décès.

Trois enquêtes gouvernementales se sont penchées sur l'affaire des enfants yéménites, comme on l'appelle, depuis les années 1960, et toutes ont conclu que la plupart des enfants sont morts de maladies et ont été enterrés sans que leurs parents en soient informés ou impliqués. Selon le personnel médical, certains enfants décédés furent enterrés sans que l’on puisse prévenir leurs parents en raison de la désorganisation entourant l’arrivée des Yéménites et notamment du mauvais enregistrement des noms. Des rumeurs persistantes au sein de la communauté yéménite évoquent le fait que ces enfants aient été donnés à des familles ashkénazes.

En 2016, sous la pression des familles victimes de ces pratiques et de l'opinion publique, Benjamin Netanyahu ouvre une enquête, les documents relatifs à l'affaire sont déclassifiés et mis en ligne. Tout cela a abouti à des révélations choquantes dans une commission de la Knesset sur des expériences médicales sur des enfants yéménites. Un témoignage donné sous serment lors de l'une des enquêtes précédentes a révélé que quatre bébés sous-alimentés sont morts après avoir reçu une injection expérimentale de protéines et que de nombreux enfants sont morts à la suite d'une négligence médicale. Des autopsies ont été pratiquées sur des enfants, qui ont ensuite été enterrés dans des fosses communes en violation de la tradition juive, a entendu la commission spéciale de la Knesset sur la disparition d'enfants. Dans certains cas, les cœurs des enfants ont été prélevés pour des médecins américains, qui étudiaient pourquoi il n'y avait presque pas de maladie cardiaque au Yémen.

Selon l’historien Tom Seguev, ces rumeurs d’enlèvement n’ont jamais été totalement confirmées. Il souligne que des centaines de milliers d'immigrants sont arrivés en Israël en temps de guerre, et dans les années qui ont immédiatement suivi, alors que le pays était encore sous le choc. "Tous ces gens sont venus dans des conditions très, très difficiles et c'est une histoire de chaos". La plupart des enfants sont probablement morts et « il n’a pas été prouvé qu'il y ait eu un complot organisé pour arracher des bébés yéménites et les donner à l'adoption ».

Les bons plans du quartiers

OZREI BROTHERS 

Petit restaurant situé dans le quartier yéménite. Clientèle d'habitués, situé dans une ruelle assez calme. Goutez quelques spécialités: lahoh (pain yéménite), baladi, kebab, limonade. Mais attention aux piments!! Ils déménagent ! Le prix est très raisonnable (env. 30 nis pp).

Le quartier yéménite regorge de bons petits restaurants. Il suffit de s'y promener et de se laisser guider par les odeurs. Goûtez la soupe à la viande, saloof, kubanah, malawac, jachnoon, zalia, hilbeh, sammeh. Il n'est pas nécessaire d'essayer les établissements touristiques recommandés par les guides.

Adresse: Yichye Kapach Street n°30